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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Veules, 11 septembre [18]79, jeudia matin, 6 h.

Tu vois par l’heure de cette lettre, mon grand bien-aimé, que j’ai pu dormir contrairement aux autres nuits passées dans cette maison bénie. La faute n’en estb pas tout à fait à moi ainsi que tu vas en juger : depuis hier j’hésite à te faire part d’une double lettre pour toi et pour moi écrite par l’odieuse créature [1] qui a failli tuerc ton génie avant ton corps et qui me fait douter de Dieu à l’heure qu’il est. J’ai remis à aujourd’hui à t’en parler tant je redoute de rouvrir la plaie mal fermée de mon cœur. Mais je ne veux pas devoir à une suppression indigne de moi, dussé-jed en mourire, la démarche qu’on ose faire auprès de toi à travers moi. Je ne veux pas poser sur ta liberté d’action ni mettre le veto sur le choix de ton bonheur quelle qu’en soitf la personnification ; je n’en aig pas le droit. Je te prie seulement de ne pas me tromper. Je t’en prie par respect pour toi et pour moi. Le faux bonheur que je pourrais demander à un escamotage que je dédaigne, tu ne dois pas le chercher dans le mensonge et la duplicité pour toi. Je t’en prie au nom de nos chères âmes qui nous attendent et que nous reverrons bientôt, ne me trompe pas. Je te promets d’avance, et tu sais que ce n’est pas légèrement que je te fais cette promesse, de ne pas entraver ni troubler ta vie de quelque façon qu’il te plaise de l’arranger. L’important pour ce qui me reste à vivre c’est que tu sois heureux sans que je cesse de t’estimer et de te respecter. Je te donnerai tantôt connaissance des deux lettres que j’ai reçues hier jusque-là et toujours, je l’espère, soish béni.

Onze heures et demie

Une lettre du fils du baron Taylor qui te demande d’écrire un mot sur son père ; je te l’envoie après l’avoir fait lire par ton cher Paul Meurice afin que vous puissiez en causer tous les deux avec connaissance de cause au déjeuner.
Je sais que tu as passé une très bonne nuit, ce qui fait une heureuse compensation à la mienne et je t’en suis aussi reconnaissante que si tu l’avais fait à cette intention-là.
Je t’envoie ce que j’ai de moins triste dans l’âme. Prends-le et sois béni.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo 

Collection particulière, MLM, 62260 0086/0088
Transcription de Gérard Pouchain
[Charpentreau]

a) Juliette a écrit « mercredi », mais le 11 septembre 1879 est un jeudi.
b) « n’en n’est ».
c) « tué ».<br /
d) « dussai-je ».
e) « mourrir ».
f) « quelque ».
g) « n’en n’ai ».
h) « soit ».

Notes

[1Juliette tient Blanche Lanvin responsable de l’accident cérébral qui a frappé Hugo dans la nuit du 27 au 28 juin 1878.

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