7 mai [1841], vendredi matin, 11 h. ½
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher adoré. Je suis levée depuis assez longtemps mais les triquemaques, mais les frictions, mais les tisanesa, mais le diable et son train m’ont tenue jusqu’à présent. Ce sont des opérations fastidieuses s’il en fut ; la friction surtout. Je suis très fâchée d’avoir suivi l’ordonnance de ce stupide médecin, si j’avais su ce que c’était je m’en serais privée bel et bien [1]. D’ailleurs ces taches ne faisaient déjà pas si mal et me faisaient ressembler à une panthère, ce qui aurait pu dans un cas donnéb exercer la verve du célèbre Auguis [2] et me donnait le droit de me faire empailler dans un temps quelconque. Bref, je trouve le remède pire que le mal et je ne te conseille pas d’en user. J’attends avec impatience le moment du voyage pour avoir un prétexte tout naturel de cesser toutes ces turpitudes [3]. Je ne parle pas de mon impatience, de mon désir, de ma rage même pour le voyage promis et si attendu pour le seul bonheur de te voir, de t’entendre, de t’admirer, de te respirer et de t’adorer parce que cela ne peut ni se mêler ni s’associer à la raison de purgonnerie [4] déduite ci-dessus. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 129-130
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « tisannes ».
b) « donner ».