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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mars 1838

3 mars [1838], samedi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mon adoré, que j’ai de choses à te dire bonnes et tendres ; d’abord que je te remercie du fond du cœur pour les paroles rassurantes et si douces que tu m’as dites hier en t’en allant. Si j’avais osé, je t’aurais crié par la fenêtre : merci à toi, mon adoré, amour à toi mon Toto. J’ai été longtemps avant de m’endormir parce que la joie tient éveillée comme le chagrin mais j’étais si heureuse de penser à toi et de me redire tes dernières paroles que je n’aurais pas voulu dormir de la nuit. Je t’écris de mon lit, je ne me suis pas levée, j’ai arrangé Claire de mon lit, elle déjeune dans ce même moment auprès de moi en attendant Mme Lanvin. Il est dix heures et demie à ma pendule mais nous savons qu’elle avance de près d’une heure. Jour Toto, pourquoi donc qu’on dit beaucoup de choses qui ne sont pas aussi innocentes que ce qu’a dit ma célèbre Dédé hier au soir ? C’était cependant bien gentil. Je vous aime. Allez, vous, je ne rabâche que ça. Je ne sens pas autre chose, je ne sais rien sinon que je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 125-126
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain


3 mars [1838], samedi soir, 6 h. ¾

Quand donc, mon pauvre adoré, sortirons-nous de ces ennuis d’affaires qui nous obsèdent depuis deux ans ? J’en suis encore plus préoccupéea que toi parce que je n’ai pas la même puissance ni les mêmes ressources. Tout mon avenir est dans cette dernière année. Si je ne l’emploieb pas bien, tout sera perdu pour moi. Je n’ose pas y penser car cela me donne le vertige d’avance. Tu es si bon pour moi, mon amour, si dévoué, si noble, si généreux que je n’en sens que plus vivement le besoin de gagner ma vie moi-même. Chaque nuit qui passe me semble devoir emporter ton amour et ton courage dans la fatigue et l’impatience, et ce qui n’est pas arrivé encore peut arriver cette nuit, demain, quand les forces te manqueront. Vraiment il faut que je travaille, que je me suffise à moi-même pour goûter pleinement le bonheur de t’aimer et d’être aimée de toi. Pour cela, il me faut un théâtre sinon bienveillant du moins pas hostile. J’ai besoin que tu m’aides, j’ai besoin de pouvoir regarder l’avenir qui jusqu’ici m’a toujours fait détourner la tête avec effroi. Je t’aime mon Victor. Je t’aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 127-128
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « préocupée ».
b) « emploi ».

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