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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1836

23 mars [1836], mercredi matin, 9 h.

Bonjour mon cher petit homme bien aimé, bonjour. Vous ne m’avez pas donné le temps de me réveiller cette nuit, ni celui de vous embrasser, c’est absurde. Après que vous avez été parti, j’ai été très longtemps sans me rendormir et je pensais que vous étiez bien méchant de vous être en allé si tôt. Je me suis levée très tard ce matin, j’ai la tête lourde et douloureuse, incident que j’attribue à la circonstance. Je vais me dépêcher de faire mes affaires afina d’être toute à vous quand vous viendrez.
Que je vous aime mon cher bijou, c’est bien vrai que je vous aime de toutes mes forces, c’est bien vrai que vous êtes mon culte et mon adoration.
Bonjour. Comment que vous allez ce matin ? Mon cher petit Toto, vous vous fatiguez trop, vous ne dormez pas assez et vous ne faites pas assez l’amour ; toutes choses contraires à la santé et au bonheur. J’aimerais mieux que vous fussiez beaucoup plus paresseux et beaucoup beaucoup plus amoureux. Mais je sens bien que tous ces souhaits ne seront jamais accomplis, vous serez toujours un petit cheval pour le travail et un petit âne pour l’amour.
Moi, je continue ma petite besogne de cœur sans regarder ni devant ni derrière moi, je ne me laisse pas distraire par rien, je vais toujours droit à vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 223-224
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Guimbaud]

a) « à fin ».


23 mars [1836], mercredi soir, 7 h. ¾

Sans doute, mon pauvre ange, je devrais cacher, lorsque je suis devant toi, la tristesse qui m’accable lorsque je t’ai attendu trop longtemps. Mais l’heure avancée à laquelle tu viens le plus souvent m’empêche d’oublier le mal que j’ai souffert et je pense à celui que je vais souffrir quelques minutes après. Je t’aime, mon amour, je t’aime trop ; nous le disons souvent, mais je t’assure que dans cette circonstance, je le dis bien sérieusement et bien sciemment car je le sens jusque dans la moellea des os. Je t’aime, je suis jalouse, je suis malheureuse, je m’en veux d’être pauvre et de n’avoir pas de talent, il me semble que tu cesseras de m’aimer à cause de cela. Cependant je sens bien que j’ai quelque chose de plus saint en moi que la fortune et l’intelligence.
Mais cela suffira-t-il pour que tu m’aimes toujours ? voilà ce que je me demande nuit et jour sans trouver ta voix pour répondre à mes inquiétudes. De là viennent les tristesses qui te blessent, de là vient la jalousie qui t’étonne, de là viennent ces douleurs névralgiques de l’âme que tu ne comprends pas.
Mais je t’aime, mais je suis heureuse au milieu de tout cela, mais je suis joyeuse dans mes larmes car je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 225-226
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Guimbaud]

a) « moëlle ».

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