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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16 juillet [18]63, jeudi matin, 6 h. ½

Dormez, mes chères amours [1], et que vos rêves vous soient doux pendant que je vous aime les yeux ouverts et en pleine réalité. J’espère que ta grasse matinée n’est que la continuation d’une bonne nuit et non le résultat de l’insomnie et que tu te portes de CHARME, comme on dit dans ce pays-ci. Quant à moi, je vais on ne peut pas mieux et je t’aime encore davantage. Je voudrais que mes petits poulets en fissent autant entre eux au lieu de se poursuivre et de se déchiqueter comme ilsa le font depuis que Suzanne a eu l’heureuse idée de ravitailler le poulailler de trois jeunes poulettes nouvelles. Il paraît que c’est toujours ainsi chaque fois qu’on introduit de nouvelles cocottesb dans le harem emplumé, même quand il y a plusieurs coqs comme c’est le cas aujourd’hui. Du reste la REINE de cette BASSE-COUR ne paraît pas inquiète de ces [émeutes  ?] répétées qui me [illis.] moi-même. Je voudrais être sûre que tu as passé une bonne nuit et rien ne manquerait à mon cœur ce matin. En attendant, je guette l’ouverture de ta fenêtre avec sollicitude pour tâcher de voir de loin si tu as bien ou mal dormi. Je n’y verrai rien, sinon que je t’aime, mais cela me tiendra lieu du reste jusqu’au moment où je te verrai de plus près quand tu viendras baigner tes yeux. Je crains bien que Marie Turpin ne revienne pas [illis.] aujourd’hui ce que tu m’as dit du projet de ton fils d’aller voir les courses [jusqu’à  ?] samedi me fait craindre que, la susdite qui est partie dans la même intention ne revienne pas plus tôt. Cette perspective n’est pas rassurante et n’accélérera pas beaucoup la besogne de mon déménagement [2]. Mais qu’y faire ? Prendre Anne Mourant [3] ? Mais avant qu’elle ait eu le temps de se mettre au courant, l’autre sera revenue et je ne vois pas trop ce que nous y aurons gagné ! Je ferai du reste ce que tu voudras, comme toujours, trop heureuse d’être guidée, éclairée et soutenue par toi dans les petits comme dans les grands embarras de la vie. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 188
Transcription de Gérard Pouchain

a) « il ».
b) « coccottes ».

Notes

[1L’air de la romance d’Amédée de Beauplan, pseudonyme d’Amédée Rousseau (1790-1853), « Dormez donc, mes chères amours », est repris dans de nombreux vaudevilles.

[2Victor Hugo note dans son Agenda à la date du 16 juillet : « Les ouvriers de Putron (Tom Gore) ont défait la chambre de Mme D. et enlevé les tapisseries et les bois (maison qu’elle quitte). »

[3Ann Mourant est entrée au service de Victor Hugo le 23 mai 1859. Le 6 juillet 1859, il écrit à sa femme qu’Ann Mourant, « une guernesiaise fort travailleuse en dépit du sang guernesiais » nettoie « de fond en comble » la maison.

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