Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Septembre > 17

17 septembre [1837], dimanche matin, 8 h. ¾

Bonjour mon petit homme, bonjour mon cher bien-aimé. Je trouve les nuits bien longues toute seule. Et vous, comment les trouvez-vous ? Vous ne faites pas de différence je suis sûre. Vous voilà à Auteuil un dimanche et par un bien beau temps [1]. Il est presque sûr que je ne vous verrai pas de la journée. Rien que la crainte me rend triste. Que sera-ce donc si vous ne venez pas réellement. Hou !... J’ai lu hier de bien beaux vers qui vous sont adressés. C’est plaisir de voir comment tu es compris et aimé par tout ce qui est bon et intelligent. J’ai vu aussi la lettre de Mme Volnys. Je crois en effet que la faute est plus à la direction qu’à l’actrice [2]. Quoique… je n’aime pas le style plus que familier avec lequel Mme Léontine [3] vous écrit. Mais soyez tranquille, j’y aurai l’œil. En attendant je vous aime de toutes mes forces, je vous désire de tout mon cœur, je pense à vous sans cesse et sans relâche. Je serai bien heureuse et bien geaie si vous venez dîner avec moi et coucher avec Juju. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup d’espoir de ce côté-là. C’est ce qui me fera triste et maussade toute la journée, ce qui ne laissera pas que d’être aimable pour cette pauvre Mme Pierceau si elle vient. Jour mon petit homme adoré. Jour on jour. Je t’aime, va. Je t’aime comme je voudrais être aimée, c’est-à-dire sans partage. Je baise tout ce qui enveloppe votre pantalon collant. J’y colle mes lèvres pour que vous soyez collé [4].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 176-177
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1C’est à Auteuil que la famille Hugo s’est installée pour l’été.

[2Allusion en probable rapport avec l’incident de juin, prélude à la rupture de Hugo avec le Théâtre-Français. Védel lui avait alors écrit que Mme Volnys, enrouée, ne pourrait jouer dans Angelo (suspendant ainsi la série de représentations prévue). Hugo en fut très contrarié et exprima sa colère.

[3Il s’agit de Léontine Fay, autre nom de l’actrice également connue sous celui de Mme Volnys.

[4Le mot est chargé d’une forte polysémie et convoque plusieurs registres, du plus neutre au plus érotique. L’argot propose en effet maintes utilisations du verbe « coller » : « interloquer » ou encore « mettre dans un grand embarras » ; ou bien, dans l’argot scolaire « punir, retenir, obliger à rester » ; les formes pronominales du verbe convoquent d’autres connotations : « se mettre en concubinage », « s’unir charnellement ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne