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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 19 novembre 1855, lundi après-midi, 2 h. ¾

J’ai bien de la peine à n’écouter que mon cœur, mon adoré, au milieu de tout le petit brouhaha Préveraud, Ratier, Cornet et Vallerota, qui se chamaillentb à propos de pences, de sous et de liards. Justement voici le citoyen Ratier, qui prend son chapeau pour aller faire visite à Hauteville House [1], c’est un bruit de moins. Du reste, mon cher adoré, je peux t’écrire au hasard et les yeux fermés sans jamais me tromper d’amour car il [est ?] remplitc tout mon être depuis les pieds jusqu’à la tête. Je t’aurais écrit plut tôt si je n’avais pas été requise pour une flânerie à travers les rues et dans les boutiques. Chemin faisant, je t’ai acheté de la flanelle rouge à deux tiers de bénéfice, ce dont le petit Préveraud enrage. Cela me forcera peut-être à lui en céder la moitié ce dont je bisquerai à mon tour. J’ai reçu la réponse de Dulac, plus les exemplaires demandés et le n° de La Chronique qui contient les lettres du connétable de St-Clément [2]. Tu verras si je dois répondre en ton nom car il paraît s’associer, discrètement toutefois, à l’idée de ton voyage à Londres [3]. Il est du bord Pianciani et Ribeyrolles comme tu sais. Peut-être aussi devrai-je écrire à Ch. Asplet mais je suis si paresseuse que je n’ai pas le courage de m’y mettre. Je n’ai de cœur à la plume que pour t’écrire. J’y passerais mes jours et mes nuits sans me lasser et même sans m’apercevoir que je tourne sans cesse dans mon amour comme un écureuil en cage, ce qui ne doit pas être amusant pour toi, mon pauvre adoré. Cela ne m’empêchera pourtant pas de t’aligner une seconde restitus après celle-ci sous prétexte de régularité et pour remplacer celle d’hier mais au fond pour avoir le bonheur de t’émietter mon âme dans chaque syllabe. Tiens, je m’aperçois que tu as oublié ton gros galet. Je vais le porter chez moi et je le garderai si tu n’en veux plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 356-357
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « Valereau »
b) « chamaille »
c) « remplis »


Guernesey, 19 novembre 1855, lundi après-midi, 3 h. ½

Quelle ravissante promenade hier, mon adoré biena

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 358-359
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) La phrase est inachevée. La lettre est interrompue en haut de la première page.

Notes

[1Victor Hugo et sa famille sont installés au 20 Hauteville.

[2Saint-Clément est une paroisse (c’est-à-dire une commune) de Jersey. La Chronique de Jersey est un des quatre journaux de l’île. John Leneveu, connétable de Saint-Clément, avait démenti les faits racontés par Charles Victor, lors de l’avis oral d’expulsion de Victor Hugo et ses fils. (Voir Jean-Marc Hovasse, ouvrage cité, t. II, p. 378.

[3Certains proscrits s’étaient réfugiés à Londres. De nombreux meetings avaient lieu en faveur des proscrits en Angleterre (Meeting à Londres le 19, un à Paisley en Ecosse le 26 novembre, le 27 à Glasgow) auxquels était convié Victor Hugo. À Paul Meurice, il écrira le 25 décembre : « On donne à Londres le 31, un grand banquet « In the honour of the exiles », on m’y a invité ainsi que Charles et Victor, mais je n’irai pas » (CFL, t. X, p. 1222.)

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