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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 août 1855

Jersey, 4 août 1855, samedi après-midi, 3 h. ½

Depuis que tu m’as quittée, j’ai eu une visite parisienne amenée jusqu’à ma porte par le citoyen Duverdier. Une jeune personne fort intéressante d’après ce que j’en connais et qui venait me voir de la part de la bonne mère Ledon. Cette personne voudrait apprendre la prononciation anglaise car on exige maintenant dans le commerce la connaissance de cette stupide langue. Elle était allée directement à Londres dans une maison d’éducation pour prendre des leçons d’anglais en échange des leçons de français qu’elle donnerait aux élèves mais le bigotisme protestant s’est effarouché d’avoir une quasi-catholique et elle a dû s’en aller au bout de quinze jours. De là, elle est venue s’abattre dans un pensionnat jersiais ; celui chez lequel la petite Le Flô allait et où la nièce de Duverdier fait ses classes. Mais là encore, même pierre d’achoppement, ce qui fait que la pauvre créature est fort triste car tous les frais de déplacements obèrenta sa petite bourse. Aussi la pauvre jeune fille ne pouvait retenir ses sanglots en me racontant tout cela dans des termes si honnêtes et si doux que j’en avais le cœur serré en pensant que le même sort aurait été réservée à ma pauvre petite Claire si elle avait vécu. Aussi je lui ai fait un accueil des plus cordiauxb et je l’ai même invitée à dîner vendredi prochain dans le cas où elle ne serait pas partie pour Southampton où on lui propose d’aller. Mais cette fois, celle tient à savoir si on ne lui fera pas encore un cas rédhibitoire de son papisme supposé. Voilà, mon cher adoré, ma nouvelle connaissance qui m’attire par son air d’honnêteté impossible à simuler. Elle vient de revenir tout à l’heure avec la petite nièce de Duverdier et trois ou quatre pensionnaires. J’ai pris leur manteletc pendant qu’elles sont dans les rochers à chercher des coquillages fantastiques. J’espère que tout cela ne te déplaît pas et que tu approuveras au contraire ce mouvement de bienveillante hospitalité. Il est bon qu’on sache un peu ce que c’est que les vrais démagogues et surtout ceux qui ont l’honneur et le bonheur de t’approcher, de t’aimer et de t’adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 307-308
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « obère ».
b) « cordials ».
c) « leurs mantelets ».

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