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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er février 1836

1er février [1836], lundi matin, 10 h.

Bonjour mon cher petit Toto bien aimé, bonjour mauvais sujet, bonjour coureur de bals, bonjour. Nous avons été fièrement heureux, c’est dommage que ça n’a pas duré longtemps. J’espère que vous n’avez pas travaillé longtemps après m’avoir quittée, pour ne pas trop vous fatiguer.
Que je vous aime mon Toto. Je ne peux vous dire que cela parce que je ne sens que cela. Je vous aime mon cher petit bonhomme. L’huissier du billet d’hier vient d’apporter sa carte. C’est Turlurette qui l’a reçue. Je ne m’en émeus pas autrement. Si tu pouvais venir me prendre pour aller chez cette propriétaire, peut-être ferions-nous bien de voir encore une fois l’appartement pour nous assurer quel parti nous en pouvons tirer et pour être sûr que les tableaux pourront y tenir, après quoi nous pourrons voir la propriétaire. Je continue à avoir mal à la tête. Pourtant nous avons usé du fameux remède, peut-être faut-il le recommencer plusieurs fois et d’une manière très suivie. Vous seul êtes juge de cela, mon cher petit docteur APOTHICAIRE.
Je vais me lever, me dépêcher de faire mon ménage comme si vous deviez être le prix de ma diligence. Si vous venez de bonne heure, je ne serai pas du tout lasse et je n’aurai presque pas mal à la tête. Si vous venez tard, je serai tout cela. Je vous aime.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 57-58
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


1er février [1836], lundi soir, 8 h. ½

Bonsoir mon Toto bien aimé. Je vous aime mon Toto chéri. Nous venons de dîner, et puis, moi, je me suis cogné le bras au coupanta de marbre de la cheminée. J’ai cru que j’avais le bras cassé et à l’heure qu’il est la douleur est encore très vive. Je vous assure mon Toto que j’avais fait une excellente soupe et que ces petites goistapiouses [1] s’en sont léchéb les barbes jusqu’aux yeux. Je me décore de plus en plus du cordon bleu dont Mlle Victoire est la déesse.
J’oubliais de vous dire que j’ai reçu une lettre de M. Pradier mais que je n’ai pas ouverte toujours par déférence pour votre jalousie supposée. J’ai beau prêcher d’exemple, vous n’en faites pas autant pour moi, témoins Mmes Turlututu et autres dont vous m’apportez les missives après en avoir extrait tout le POISON ENIVRANTc (ROCOCO). Enfin, c’est égal, je fais loyalement mon devoir d’amoureuse, tant pis pour ceux dont la conscience se charge de crimes et de trahisons.
Dites-donc, mon Toto, vous savez que je vous adore ? Vous savez que vous êtes toute ma richesse, tout mon avenir. Vous savez qu’il me faut votre amour pour vivre et votre personne adorée pour vivre heureuse.
Si vous êtes bien conseillé, vous viendrez ce soir très tôt. Je vous baiserai bien et je vous caresserai à deux genoux. Je t’aime tant mon Toto.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 59-60
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « coupant ».
b) « lécher ».
c) « doublement souligné ».

Notes

[1Féminin de goistapiou, qui signifie « garnement ».

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