Guernesey, 1er juillet 1862, mardi, 7 h ¾ du m[atin]
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour et rerebonjour. Je ne te demande pas comment tu as passé la nuit car tu me parais, à longueur de vue, en pleine santé et en pleine activité ce matin. Il est vrai qu’à cette distance les apparences ne sont pas toujours réelles, témoin moi qui ai eu une insomnie persistante, sans souffrance néanmoins que celle de ne pas pouvoir dormir. J’espère qu’il n’en esta pas de même pour toi car ce serait trop pour une pauvre Juju que de doubler son insomnie par la tienne, sans compter que le temps, si beau hier, est très vilain ce matin. Je doute que nous puissions dîner dans le jardin. Mais nous avons notre pis-aller dont nous nous contenterons de gré ou de force. L’important est que nous soyons tous philosophes et heureux de l’être et que le dîner de Suzanne soit suffisamment bon. Cette pauvre fille est un peu souffrante, ce qui lui donne le droit d’être très maussade et elle en use. Sans reproche, elle est involontairement pour beaucoup dans mon insomnie mais cela n’est pas assez épistolaire pour que j’entre dans plus de détails. J’aime mieux te dire que je compte sur une bonne revanche de ma mauvaise nuit par ma bonne petite soirée d’aujourd’hui et puis je n’ai plus que la place de te dire : JE T’AIME ! Et longue vie glorieuse aux Misérables [1] !
BNF, Mss, NAF 16383, f. 167
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) « qu’il n’en n’est pas ».