14 décembre 1861

Guernesey, 14 décembre 1861, samedi matin, 8 h.

Bonjour toi, bonjour vous, le plus aimé, le plus adoré, le plus soupçonneux et le plus injuste des hommes, bonjour. Soyez heureux, je le veux, ALLAIE, je vous pardonne. Il faut espérer que vous aurez passé une meilleure nuit que moi qui ai pris le clair de lune de deux à trois heures du matin pour l’aube matinale de 7 heures et demie et qui me suis si bien appliquée à ne pas dormir qu’il m’a été impossible de rattraper^a mon sommeil quand je me suis aperçue de mon erreur. Mais tout cela est moins que rien si vous avez bien dormi, si vous vous portez bien et si vous m’aimez. Nous en aurons la preuve bientôt et encore ce soir chez le mécène Marquand [1]. D’ici là, j’espère que tu auras enfin de bonnes nouvelles de tout le monde. Il serait possible encore que ta fille arrivât aujourd’hui, dans ce cas, je rengaine ma belle robe et je mets au clou le bonheur que je me promettais de passer avec toi. Tout n’est pas plaisir dans la vie et je n’ai pas encore eu le temps d’oublier cette maxime peu consolante, malgré les six à sept mois que je broute à même le bonheur et au même râtelier que vous [2]. Cher adoré, quelle que^b soit ma destinée aujourd’hui, demain et toujours je t’aime et t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle et je ferai ma joie de ton propre plaisir.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 179
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette

a) « rattrapper ».
b) « quelque ».