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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 27 avril 1862, samedi matin, 7 h. 

Bonjour, mon grand petit homme, bonjour. Que Dieu t’envoie aujourd’hui tout le bonheur que tu mérites. Moi je t’aime. J’espère que tu as bien dormi, ne fût-ce que pour ne pas te laisser distancer par moi qui rendrais des points à toutes les marmottes. Du reste, tu en vois quelque chose quand la fin de la soirée arrive ; témoin hier où je ne pouvais pas ouvrir les yeux. Heureusement que tu n’as pas besoin qu’ils soient tout grand ouverts pour faire ton travail. Et à ce sujet, je vais me dépêcher de copier ce matin à même la page que tu m’as donnée hier au soir. Cela me rappellera mon bon JEUNE temps. D’un autre côté, il est un peu humiliant pour mes vieilles pattes de mouches goutteuses de courir sur le TURF de ces jeunes copistes à bec-de-fer [1]. Ce steeple-chase ne peut que tourner à ma confusion, quoique la course à fournir aujourd’hui soit peu longue. Mais je m’en tire par l’amble de mes virgules, le petit trota de mes points et par le triple galop de mes admirations !!!!!!!!!!!!!!b Et voilà comment une vraie Juju ne se laisse pas distancer et que son vieux cœur tient toujours la corde.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 105
Transcription de Julia Wahl, assistée de Florence Naugrette

a) « trop ».
b) Les neuf points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.


Guernesey, 27 avril 1862, dimanche, 7 h. du soir

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je t’aime, je t’aime, je t’aime sur tous les tons et je t’adore dans la langue que parlent les âmes dans le paradis. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? As-tu passé une bonne, bonne nuit sans interruption d’aucune sorte ? Tu me diras cela tantôt quand je te verrai ; et moi, en échange, je t’avouerai une good nuit et une excellente santé. Telle est ma force. En attendant, je me tiens close et couverte dans ma chambre pour échapper au brouillard qui pénètre partout et qui s’épaissit de plus en plus. Cela n’est pas précisément gai mais ta pensée me tient lieu de soleil et je me sens réchauffée, éblouie et émerveillée quand je te regarde dans mon cœur. Il n’est pas probable que nous puissions sortir tantôt, moi, du moins, dont la podagrerie fait rage avec le temps. Mais j’aurai pour me rabibocher ma chère petite collation, la plus douce et la plus adorable des compensations au regret de plus en plus triste de ne pouvoir plus t’accompagner partout, toujours, à toute heure et en tout lieu.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 106
Transcription de Julia Wahl assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette préfère la plume d’oie.

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