24 novembre 1861

Guernesey, 24 novembre 1861, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour à toute vapeur, je dirai même à tout brouillard et à toute pluie, si je ne craignais pas d’[ironiquer ?] votre tic déplorable de mettre votre lit à l’air, par tous les temps. Justement, voilà que vous vous rendez à la raison et que vous rentrez de vous même toute votre literie. Merci, mon cher adoré, merci pour toi d’abord et merci pour moi qui me tourmente chaque fois que je te vois faire de ces genres d’imprudence, c’est-à-dire presque tous les jours. Quant à moi, je tâche de te prêcher d’exemple en n’entrouvrant seulement mes fenêtres que l’une après l’autre et pas trop longtemps pour ne pas pénétrer mon logis d’humidité. Mais pourtant, ce n’est pas une raison pour éterniser cette rabâcherie sur le même sujet, au risque de me faire prendre en grippe au lieu de t’en garantir ainsi que de tous les autres mots qui y confinent à la GRIPPE. À propos de maux, cette pauvre Chougna me paraît bien malade et bien dangereuse d’après l’avis du vétérinaire et je crois, sans la condamner tout à fait, que la prudence exige que tu l’éloignes de chez toi le plus tôt possible. Tu pourrais la confier au vétérinaire lui-même qui la garderait en l’isolant et qui essaierait, chemin faisant, de la guérir. De cette façon, la contagion ne serait pas à craindre et tu n’aurais pas le chagrin de la condamner tout de suite et sans appel et recours en grâce possible. Penses-y mon adoré et surtout sois prudent. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 160
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette