6 février 1861

Guernesey, 6 février 1861, mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon pauvre bien-aimé, bonjour, de toute mon âme. Comment as-tu passé la nuit ? Ton vilain mal de gorge s’est-il un peu apaisé^a ? À ta place, mon pauvre souffrant, je prendrais le parti énergique et prompt de m’assurer, auprès d’un médecin d’une plus grande valeur et d’une plus grande autorité que le docteur Corbin, de quelle nature et de quelle gravité est l’indisposition que je ressens. Le temps est suffisamment beau et la distance très peu de chose jusqu’à Londres, et peut-être même que ce déplacement seul suffirait pour faire une heureuse diversion à ce bobo languissant et tenace. Cela vaudrait mieux que d’attendre ici, sans confiance au médecin qui te soigne, que cette petite affection s’en aille, après l’avoir beaucoup trop tourmenté. À ta place, vraiment, mon cher adoré, je n’hésiterais pas à partir demain et même aujourd’hui si cela était possible, afin de porter plus tôt remède au mal dans le cas où il aurait de l’importance ou de me livrer d’un souci dans le cas où (comme je le crois) il n’en n’aurait aucun. De toute façon, il y aurait avantage pour un très mince inconvénient, celui de deux ou trois jours d’absence, mon cher adoré. Est-ce que cela ne te paraît pas raisonnable, ce que je te dis là ? C’est cependant du fond de mon plus tendre amour que je te donne ce conseil, que je crois bien, et avec le désir ardent te de te délivrer au plus vite de ce vilain mal qui nous attriste tous les deux. Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 35
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette

a) « appaisé ».