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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 16 janvier 1855, mardi soir, 5 h. ¼

La pensée que tu ne pourras pas dîner avec moi ce soir, mon cher adoré, me rend toute triste et je suis presque aussi désappointée que si j’avais eu d’avance la certitude que tu viendrais. Cependant cela n’était guère présumable, même sans l’incident Guérin [1] mais j’ai tant de bonheur à t’avoir que j’accueille avec passion toutes les apparences d’occasions. Du reste, je ne me rebute pas dans mes tentations et je n’abandonne pas facilement l’espérance quand il s’agit de te voir et de t’avoir. Aussi je vais sonder Miss Allix ce soir et tâcher de lui faire prendre un jour plus opportun pour toi. De ton côté, mon cher petit homme, il faut aider la manœuvre en conseillant à tes femmes de changer leur Balthazar hebdomadaire [2] (ne pas lire dromadaire à cause des bosses [3] et des chameaux). Dieu ! comme il pleut et comme il grêle en ce moment. Pourvu que ce ne soit pas sur toi, mon pauvre petit Toto. Où es-tu en ce moment ? Pourquoi as-tu quitté le coin de mon feu ? Est-ce que ta poste RESTANTE n’était pas encore arrivée ? J’ai oublié de m’en informer tant j’étais préoccupée du contretemps de mon dîner. Enfin, pourvu que tu n’achèves pas de t’enrhumer dans tes villevousses [4] mystérieuses et nébuleuses, je ne crierai pas trop fort mais si tu as le malheur de te faire du mal pour toutes ces cocotteries borgnes et jersiaises tu auras affaire à moi. En attendant, il grésille sur mes volets et dans ma cheminée avec fureur. Pauvre, pauvre petit bien-aimé, si je savais où tu es et que ce soit sous la pluie, j’irais te chercher avec mon BEAU parapluie et je te ramènerais auprès de mon feu où mes baisers achèveraient de te sécher et de te réchauffer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 32-33
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa.

Notes

[1À élucider.

[2Les Adèle recevaient le samedi soir.

[3Se faire ou se donner une bosse : ripailler, festoyer.

[4Néologisme à partir du verbe vilvousser : tourner, aller et venir en pure perte (patois cauchois).

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