13 avril 1882

Paris, 13 avril 1882, jeudi matin, 7 h. ½

Quel bonheur, mon doux adoré, tu as passé une bonne nuit et j’en suis bien heureuse ! Moi aussi j’ai bien dormi et je vais très bien ce matin, malgré le temps froid et rechigné qu’il fait en ce moment. Je crains même que le temps ne se gâte tout à fait et pour longtemps d’après la tradition barométrique des nouvelles Lunes. Mais puisqu’il faut « prendre le temps comme il vient et les hommes pour ce qu’ils valent [1] » je m’y résigne gaîment d’avance. En attendant que tu destitues ce pauvre Lesclide de sa fonction honorifique de secrétaire, je fais, d’après ton ordre, métier de scie en te faisant souvenir qu’il faut, sous peine de désobligeance et d’ingratitude, répondre à Préveraud aujourd’hui même. Tu pourras après prendre connaissance si tu veux de diverses lettres intéressantes et qui attendent ta réponse. Sarcey t’écrit avec empressement qu’il sera heureux de s’asseoir dimanche à ta table hospitalière. Parmi les nouvelles qui m’arrivent, il en est une assez maussade si, comme je le crains, elle se réalise, c’est l’excursion^a d’une quinzaine de jours que projette M^me Lockroy avec ses enfants et qui doit commencer après-demain samedi. Ce projet n’est pas une^b improvisation car je le connais déjà depuis longtemps mais cela n’atténuera en rien, malheureusement, le vide et l’ennui que cette absence va faire dans ta vie malgré le redoublement de mon amour toujours là en permanence d’adoration.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 53
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « excurtion ».
b) « un ».