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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1839

4 mars [1839], lundi après-midi, 1 h.

Je vous demande un peu de venir faire cet embarras quand on a la ferme intention de rester chez soi : « Mes affaires sont-elles toutes là ? » Animal, veux-tu bien te taire car c’est par trop bête et trop ignorant ce que vous dites et ce que tu fais. Aussi, je jette un beau coton [1] depuis que je mène cette belle vie de célibataire et de recluse. Je souffre comme une damnée et je m’ennuie comme un chien. Il va falloir, mon Toto, que nous envoyionsa chez la mère Lanvin aujourd’hui à moins que tu n’aimes mieux que ce soit vendu, ce qui m’est tout à fait égal. Il fait bien beau aujourd’hui, c’est dommage que je sois sortie depuis trois jours, sans cela je vous aurais mis en réquisition pour me traîner chez la mère Pierceau mais si vous voulez nous pourrons aller nous-mêmes chez les Lanvin et je suis sûre que je ferai bien plaisir à la pauvre Toinette. Au reste, je reconnais que vous êtes tout à fait dans votre droit de me refuser, attendu que depuis trois ou quatre jours vous vous êtes FENDU de plusieurs sorties. Jour, mon petit homme. Jour, mon Toto. Je vous aime, vous êtes mon très bien aimé mais vous n’êtes pas mon trop bien aimant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 223-224
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « envoyons ».


4 mars [1839], lundi soir, 6 h. ¼

Vous êtes bien charmant, mon petit homme, de dîner avec moi aujourd’hui. Vous le seriez encore infiniment plus si vous y ajoutiez le déjeuner avec ce qui précède ou plutôt vous seriez deux fois bon et ravissant comme vous êtes toujours le plus désiré et le plus aimé. J’ai vu Mme Guérard tantôt qui m’apportait mes pantouflesa à voir et qui m’a emporté un vieux soulier pour les faire monter à mon pied. Elle était ornée d’une capote ravissante et pas chère et dont j’aurais la plus grande envie si je ne savais pas par expérience que vous n’entendez pas raillerie sur la toilette de votre pauvre Juju. Vous aimez mieux payerb le double une chose de nécessité absolue que de profiter d’un bon marché quelconque, même quand c’est moi et ma fantaisie qui doiventc en profiter. Vous êtes le MAITRE et je reconnais que je n’ai pas le plus petit mot à dire et que je suis votre esclave soumise. Quand m’apporterez-vous mon Régnier ? Et quand me confierez-vous la santé et l’éducation de votre moigneau [2] ? J’attends depuis longtemps après le premier et je suis digne à tous égards de votre confiance pour le second. Je vous aime, dites donc, vous, et plus fort que jamais. Si vous croyez que c’est facile, vous vous trompez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 225-226
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « pantouffles ».
b) « payé ».
c) « doit ».

Notes

[1Dictionnaire de l’Académie Française, 1835 : « Fig. et fam., Cet homme jette un vilain coton. Il perd son crédit, sa réputation. On dit ironiquement, dans le même sens, Il jette un beau coton. »

[2Moineau.

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