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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars [1849], samedi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, mon doux adoré. J’espère qu’il ne t’est rien arrivé hier ? Cependant je ne serai tranquille que lorsque je t’aurai vu. Jusque-là tous les raisonnements du monde ne peuvent pas empêcher mon impatience et mon inquiétude. Toute la nuit j’ai été extrêmement agitée à tous les bruits que j’entendais, et je les ai entendusa tous. Il me semblait que c’était toi, de sorte que j’ai passé plus de la moitié de la nuit à t’espérer et à t’attendre. Cher adoré, je ne t’en veux pas, bien loin de là, mon Dieu, seulement j’ai peur que tu ne sois ou souffrant ou triste ? et puis c’est un besoin pour moi de te voir autant que de respirer. Mon cœur a besoin de ton regard comme mes poumons d’air. Quand tu me manques, il me semble que c’est la vie même qui me manque. Ce n’est pas de ma faute, mais tu sais que j’ai toujours été ainsi depuis que je t’aime.
Je pense qu’il a fallu que tu sois bien occupé hier pour n’avoir pas pu prendre une pauvre petite minute pour venir me tranquilliser. Pourvu que ce ne soit pas pour des choses tristes, j’en bénirai le bon Dieu. En attendant, je ne sais que penser et je tourne autour de tous les obstacles qui ont pu t’empêcher de venir sans oser en désigner un dans la crainte de me tromper. Aussi, mon adoré, je t’attends avec un redoublement d’impatience que tu dois comprendre si tu as jamais été inquiet pour ce que tu aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 81-82
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « entendu ».


31 mars [1849], samedi matin, 11 h. ½

Plus je vais et plus mon impatience redouble, mon bien-aimé, tu dois le comprendre. Je n’ai pas voulu envoyer chez toi, d’abord parce qu’on ne m’aurait rien appris, ensuite je ne veux usera de ce moyen qu’à la dernière extrémitéb. Je t’attends, je t’aime et je me tourmente. Jusqu’à ce que je t’aie revu, il me sera impossible de faire autrement. Penses-y et viens le plus tôt que tu pourras. Hier en te quittant je suis allée chez la mère Sauvageot qui allait se mettre à table avec son mari. Ne voulant pas les déranger, je m’en suis allée dans la direction d’Eugénie, espérant m’y reposer, mais au coin de la rue j’ai rencontré son petit garçon [1] qui m’a dit qu’elle n’y était pas. J’avais pris courageusement mon chemin et je descendais la rue Saint-Germain-des-Prés, lorsque M. Vilain et Eugénie ont couru après moi me priant si j’avais le temps de les accompagner en voiture chez le Marchand de tapis rue Dorée. Comme rien ne me pressait, j’y ai consenti. Seulement comme il n’y avait que la servante on n’a rien pu conclure. Enfin à cinq heures, malgré leur insistance, je les ai quittés au coin de la rue Saint-Claude pour venir t’attendre ici, hélas !..... Trop heureuse s’il ne t’est rien arrivé de fâcheuxc mon Victor adoré, mon bon petit homme, tâche de ne pas me laisser plus longtemps dans cette agaçante inquiétude. Je t’en prie, je t’en supplie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 83-84
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « Je ne veux pas user ».
b) « extrêmité ».
c) « facheux ».

Notes

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