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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1849

23 mars [1849], vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon représentant, bonjour, mon tout bien aimé, bonjour de tribord et de bâbord et à toute volée. Si les séances doivent commencer tous les jours à 11 h. du matin et si tu dois y assister dès l’ouverture, je ne sais pas comment nous ferons pour nous voir puisque nous n’avions que ce moment-là d’être ensemble ? Cependant, il me semble qu’avec un peu de bonne volonté, tu peux concilier tes devoirs politiques avec tes devoirs de Toto, c’est-à-dire n’aller à l’Assemblée qu’à midi et venir me prendre pour y aller. D’autant plus qu’il est probable que 19 fois sur 20 tu iras beaucoup plus tard que plus tôt. Aujourd’hui je me tiendrai prête à midi et j’espère que tu n’en abuseras pas en me laissant croquer le marmot jusqu’à deux heures et demie pour rien. Mes gribouillis ressemblent à l’histoire qu’Arlequin se contait pour se faire prendre patience. Ce sont toujours les mêmes et je les sais [1], ce qui ne m’amuse pas. Mais j’ai beau chercher au-dedans et autour de moi, je ne trouve que cette unique SCIE pour façonner cet embêtage exorbitant dont je t’accable tous les jours. Il est vrai que tu me le rends bien avec les Chaumontels de tous sexes, de tous grades et de tousb âges que tu inventes tous les jours.

Juliette

MVHP, MS a8168
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « babord ».
b) « de tout sexes, de tout grades et de tout âges ».


23 mars [1849], vendredi matin, 11 h.

Je pense à ce voyage de Bourges [2], mon petit homme, et je crains que tu le fasses sans moi, ce qui me serait bien douloureux. Cependant, je reconnais que les difficultés de m’emmener sont presque insurmontables. Surtout celui de mon séjour dans la ville si nous ne pouvions pas nous voir. Je reconnais, en outre, et cela avec tout mon cœur et toute ma raison, que tu as besoin de te renseigner par toi-même sur les choses curieuses et intéressantes de ce temps-ci ; et, encore, mon Dieu, le besoin de changer d’air et de faire diversion à cette incessante et fastidieuse vie de représentant que tu mènes depuis bientôt un an. Je le reconnais. C’est pour cela que je souhaite que ce voyage ait lieu… même sans moi, hélas ! Surtout, mon adoré, sois prudent ; garde bien ton corps et ton cœur ; ne te laisse entamer ni par les couteaux des patriotes ni par les jeux des vésuviennes [3] à quelque opinion qu’elles appartiennent. Ne prends pas de place dangereuse en chemin de fer et ne sors pas ta tête hors du wagon sous les tunnels. Enfin, ne sois pas plus de deux jours absent car dans mon impatience j’irais te chercher malgré moi. Et puis surtout, bien par-dessus tout aime-moi par le sacrifice que je te fais car il me coûte plus que je ne peux te le dire. Je t’aime, mon Toto, oh ! je t’aime !!!

Juliette

MVHP, MS a8169
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Citation à élucider.

[2Le procès des inculpés du 15 mai 1848 devant la Haute Cour a commencé à Bourges le 7 mars et se terminera en avril. Hugo rapporte dans Choses vues l’invasion de l’Assemblée, le 15 mai 1848, par une manifestation populaire.

[3Vésuviennes : association révolutionnaire fondée à Belleville par des ouvrières en 1848. Le mot avait fini par prendre le sens de « femme exaltée ».

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