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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juillet [1837], mercredi matin, 9 h. ½

Je t’embrasse bien fort, mon cher petit Toto, pour deux raisons. La première parce que je t’aime. Et la seconde parce que j’espère que la pauvre petite Dédé va de mieux en mieux [1] puisque je ne t’ai pas vu cette nuit. C’est aujourd’hui l’anniversaire de notre retour à Paris [2]. Il faisait le même temps, si tu t’en souviens, et j’étais encore plus triste que je ne suis ce matin car tout notre bonheur venait de finir. Aujourd’hui, j’ai en moi une espèce d’espoir qui vacille dans mon pauvre cœur comme une toute petite chandelle allumée, exposée à un grand vent. Mais enfin je l’abrite le plus que je peux pour ne pas qu’elle s’éteigne, car alors je resterais dans une si profonde obscurité que je ne pourrais plus rien distinguer au-dedans de moi que le chagrin de ne pas me réunir à toi pour quelques jours.
Je voudrais te voir, mon cher petit Toto. C’est un besoin que je ne peux pas réprimer. D’un autre côté je sais que tu as besoin de donner tous tes soins à ta chère petite fille. Ainsi ne t’effraye pas de mes manifestations. Je veux bien te voir mais je veux bien aussi que tu guérisses notre pauvre petite fille. C’est le bouquet que je te souhaite et qu’elle est bien capable de te donner, la chère petite bien-aimée. Si tu as un moment où tu puisses t’échapper, donne-le-moi, j’en ai bien besoin. Je t’aime, mon Victor. Je t’aime toujours plus à ce qu’il me semble. Quelle joie ce serait pour moi de te servir et de me dévouera à tout ce que tu aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 67-68
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « dévouée ».


19 juillet [1837], mercredi soir, 7 h. ¼

Quel charmant homme vous faites, mon Toto, quel ravissement que de vous écouter. C’est bien vrai qu’on n’a pas le droit de se plaindre de la providence quand comme moi on a le bonheur d’entendre le son de votre voix un peu tous les jours. J’étais souffrante et abattue lorsque tu es venu, maintenant je me sens bien mieux. On voit que Toto a passé par là. Je viens de donner [un ou  ? vos  ?] deux sous à un petit pauvre à l’intention de notre pauvre petite malade [3]. Maintenant je vais t’attendre, je ne dis pas sans impatience, mais sans humeur. Soir pa, soir man. Mon dieu que vous étiez donc gentil tout à l’heure. Quel dommage que vous soyez déjà parti. Il est vrai que si j’en crois vos fallacieuses promesses, vous allez bientôt revenir, mais… entre vos promesses et leur exécution, il s’écoule ordinairement assez de temps pour que vous y manquiez complètement. Voici la pluie qui recommence. Si vous n’avez pas de parapluie vous [serez  ?irez  ?] saucé. RELISEZ DONC RACINE [4].
Que je vous aime, mon Toto, que je t’aime, mon petit homme chéri. Car tu n’as rien à craindre de moi, si ce n’est un désespoir d’amour. Autrement tu peux être tranquille, rien ne peut arrêter ni mes yeux, ni ma pensée. Je t’aime, je t’admire, je t’adore et de plus je te respecte, je te vénère, comme quelque chose de saint et sacré. Enfin mon cher Toto, je ne finirais pas si je voulais énumérer tous les genres d’amour que j’éprouve. Je les résume tous dans ce mot : je t’aime, je t’aime mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 69-70
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Depuis la fin juin, l’état de santé de la petite Adèle, qui a fait une fièvre typhoïde, est très préoccupant.

[2Allusion au voyage en Normandie durant l’été précédent, dont l’itinéraire de retour s’était fait par Rouen et Gisors, et qui s’était achevé le 20 juillet pour que Hugo puisse retrouver les siens à la Saint-Victor le 21.

[3Allusion à la petite Adèle, dont l’état est toujours préoccupant après une fièvre typhoïde contractée fin juin.

[4Conseil récurrent dans les lettres des jours précédents, et dans lequel on peut deviner soit l’allusion stylistico-esthétique au classicisme, soit la connotation passionnelle, soit les deux à la fois.

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