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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 août [1844], jeudi matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, je t’aime, je suis bien heureuse et je le serais parfaitement si tu étais là auprès de moi. Penses-tu un peu à moi, mon cher adoré ? M’aimes-tu ? Me désires-tu un peu ? Moi, mon cher bien-aimé, je ne fais pas autre chose de ma pensée et de mon cœur. Tout mon être est tourné vers toi, je ne vis qu’en toi, que pour toi et que par toi.
Quel bonheur, nous avons un petit jardin ! Car, maintenant, à moins d’événements impossibles à prévoir, ce petit jardin est à nous. Je ne pourraisa pas t’en aimer plus, quand même je serais dans le paradis, mais je t’aimerai mieux dans ma solitude et sous mes arbres. Je me fais une fête de te voir arranger ce petit logement. Ce sera pour moi plus qu’un logis commode et charmant, ce sera mon temple, mon autel dans lequel je t’adorerai à tous les instants de ma vie. Quel bonheur !!!!!!b
J’ai vu mes deux propriétaires se parler tout à l’heure. Je suppose que j’étais le sujet de la conversation. Dans tous les cas, je m’en fiiiiiiche, comme dit Pascal dans ses Provinciales [1]. Voime, voime, vous m’apprenez de jolies choses comme vous voyez. Taisez-vous, officier de la légion d’honneur, ANCIEN lieutenant de la garde nationale, vieux académicien, taisez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 105-106
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « pourrai »
b) Les six points d’exclamations courent jusqu’au bout de la ligne.


29 août [1844], jeudi après-midi, 4 h. ¼

Je t’envoie mon âme, mon Toto. Tu dois la sentir auprès de toi dans ce moment-ci. Elle te dit de penser à moi, de m’être bien fidèle, de venir bien vite et de m’aimer un peu. Écoute-la, mon cher amour, et fais tout ce qu’elle te demande pour moi.
Il fait un temps ravissant, j’ai un beau jardin, je t’aime plus que jamais et pourtant je souffre. C’est très bête mais c’est ainsi. Heureusement que je sais ce que c’est, aussi je ne m’en inquiète pas autrement. Seulement, je voudrais être à demain pour n’y plus penser et surtout pour t’avoir vu deux fois, au moins, de plus en ma vie.
Tu as bien fait d’être indulgent et doux pour ce pauvre Charlot. D’abord et surtout pour toi, que tu aurais rendu le plus malheureux des pères s’il t’avait fallu être sévère. Tout est très bien comme cela et je suis sûre que ce cher enfant est mieux corrigé par cet excès de bonté qu’il ne l’aurait été par une punition quelconque.
Dis-donc, mon cher adoré, j’ai un petit jardin ravissant. Je suis très contente et je ne désirerais rien si nous y étions tous les deux dans ce moment-ci. Hélas ! pourquoi cela ne se peut-il pas ? Le bon Dieu devrait faire de ces miracles-là pour nous. J’en serais bien reconnaissante. En attendant, je baise tes adorables petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 107-108
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Pascal était réputé pour beaucoup jurer, en privé et en public, mais cette allusion reste à élucider.

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