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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 août [1844], mercredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon petit homme chéri, comment que ça va ce matin, mon amour adoré ? Moi je viens d’essayer le fameux remède des fourmis [1]. Je ne peux pas dire que cela m’ait parfaitement réussi. Car, le mieux, si mieux il y a, est presque insensible. Il [est] vrai de dire que je suis entourée et saturée d’odeurs de toutes sortes parmi lesquelles celles de térébenthinea et de graillons dominent. Je n’en peux plus. Je suis stupide à force de souffrir, cela se voit du reste.
J’ai réparé votre bévue. Une autre fois, mon cher petit bêtab, vous tâcherez de n’en pas faire parce que cela a l’inconvénient de vous rendre inintelligible même pour un ESPRIT aussi SUPÉRIEUR que le MIEN. Ia, ia, monsire, matame [2].
Je suis bien contente que tu ne fassesc pas la réception de tes deux olibrius ce mois-ci. J’avoue qu’hier j’ai mordu en plein canard et que j’ai eu un moment désagréable. Heureusement j’en ai été quitte pour la peur. Une autre fois je tâcherai de mordre moins vite à l’hameçon des faits divers. En attendant, je voudrais bien aller à Villeneuve-Saint-Georges, moi. Il fait beau maintenant et la pluie de ce matin est une sécurité pour toute la journée. Mais, hélas ! ça n’est pas pour moi que le soleil chauffe et que Villeneuve-Saint-Georges reluit à l’horizon. Tout ce que je peux espérer à grand peine c’est que vous viendrez une minute tout à l’heure. Trop heureuse si cet espoir n’est pas une déception. Baisez-moi, cher adoré. Je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 77-78
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « thérébentine ».
b) « bêtat ».
c) « fasse ».


21 août [1844], mercredi après-midi, 4 h. ¼

J’avais trop compté sans vous, mon cher petit autre, pour avoir de la copie aujourd’hui. Je n’ai que mon nez de carton que vous ne m’épargnez guère tous les jours et à propos de tout. Mais vous avez raison d’être ainsi puisque je vous adore comme ça. Je ne vous en aimerais pas moins autrement cependant.
J’ai reçu, enfin, une lettre de ma péronnelle [3] dans laquelle elle me supplie de l’envoyer chercher samedi parce que c’est son jour. Elle a le plus grand soin de s’abstenir de parler de l’époque des vacances afin de m’ôter toute tentation de la laisser coffrée jusque là. Du reste, tu décideras cette grave question ce soir. Je ferai ce que tu me diras, en toute confiance et en toute obéissance. J’ai vu la mère Lanvin tantôt. Je lui ai donné mon linge à emporter. La pauvre femme ne se doute pas que c’est la plus grande preuve d’affection et de dévouement que je puisse lui donner. Je crois d’ailleurs qu’elle ne pourra pas faire ce métier-là longtemps. Je viens d’écrire à Mme Luthereau que tu ne connaissais personnea dans les noms qu’elle t’avait envoyés, excepté ton cousin Trébuchet pour lequel tu lui donneras une lettre quandb elle la voudrait. Je crois que j’ai bien fait. Je ne pouvais guèreb attendre plus longtemps à lui faire cette réponse médiocre. Et puis d’ailleurs, tout ça m’est égal. Je t’aime, voilà ce qui m’intéresse et ce qui est ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 79-80
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « personnes ».
b) « quant ».
c) « guerre ».

Notes

[1Juliette a acheté de l’esprit de fourmi.

[2Imitation de l’accent allemand pour « oui, oui, monsieur, madame ».

[3Claire.

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