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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mai 1837

26 mai [1837], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon cher petit bien-aimé. Vous n’êtes pas venu ce matin. Est-ce que vous auriez encore répétition par hasard [1] ? J’en serais très vexée de toute façona. Je compte toujours sur mon AUTRE quand je compte sur vous. Car jamais vous ne venez, ou si rarement que ce n’est que pour confirmer ma remarque. C’est très mal à vous d’en user ainsi, surtout si vous m’aimez un peu. L’espoir seul que vous viendriez m’a fait me réveiller à 4 h. du matin. J’ai été longtemps sans pouvoir me rendormir. Il fait très beau ce matin. Cependant je suis encore dans mon lit. J’ai très mal à la tête. Si vous étiez venu couchire n’avec [2] moi ça ne serait pas arrivé. Vous voyez donc bien, vieux bêtab, que c’est vous qui causez tous mes maux. Je vous aime mon Toto chéri. Je vous aime mon cher petit homme. Je vous aime mon cher petit [illis.], comme vous vous appeliez hier en parlant de vos vieux [illis.] non littéraires. Je vous aime. J’ai très mal à la tête, je ne vois pas clair. Je ne sais pas ce que j’écris, je sais seulement ce que je sens. Je vous aime. Et bien vrai et bien fort. C’est-il bien dangereux, mon cher petit Toto ! Croyez-vous que je pourrai vivre longtemps encore avec cette maladie-là ? Dites, mon petit Toto. Ne me cachez pas l’horrible vérité. Je vous aime, de toute mon âme, de toutes mes forces et de tout mon cœur. Croyez-vous que ce soit décidément mortel ? Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 223-224
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « toutes façons ».
b) « bêtat ».


26 mai [1837], vendredi, 1 h. après midi.

Mais mon cher petit Toto, je vous aime bien trop. Je ne pense qu’à vous, je ne désire que vous. C’est ridicule. Et je ferais mieux de m’occuper à autre chose. D’abord vous y gagnerez de n’être plus assailli de lettres sur lettres ce qui devient une calamité sinona publique du moins particulière. Tous les efforts que je fais n’aboutissent qu’à vous aimer davantage et s’il m’était permis d’user de votre comparaison du clou qu’on enfonce en frappant dessus, je l’emploierais avec succès pour exprimer un des amours les plus pointus, des plus tenaces et des plus enfoncés qu’il y aitb.
Jour mon petit o jour mon gros to. Jour on jour. Ne faites pas la grimace. J’ai déjà acheté sept robes aujourd’hui. Demain elles seront faites et usées après-demain. Ainsi ne vous en tourmentez pas, j’en achèterai d’autres aprèsc. Que je vous aime donc mon Toto chéri, que je vous aime. C’est bien plus que beaucoup, c’est plus que tout. Je voudrais savoir ce que vous faites à présent. Je voudrais savoir si je vous verrai bientôt. Enfin je voudrais être aussi sorcière que je suis amoureuse. Jour mon Toto. Viendez bien vite je vous attends et je vous baise en désir et en pensée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 225
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « si non ».
b) « aient ».
c) « à près ».

Notes

[1La Comédie-Française répète la proche reprise d’Angelo, tyran de Padoue.

[2L’ajout fautif de la négation est un jeu langagier volontaire.

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