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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 avril [1849], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon petit Toto, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, taquin, bonjour, comment allez-vous ? Moi je vais bien et j’ai un peu mieux dormi cette nuit. Vous auriez été bien inspiré de venir ce matin me demander à déjeuner, mais vous êtes un vieux Gascon qui promettez plus de beurre que de pain et qui ne donnez ni pain ni beurre. Taisez-vous et rougissez si vous pouvez. En attendant je me hisse le ventre au soleil levant et je n’en suis pas plus contente pour cela. Encore si vous m’aviez payé la moitié de mon parapluie, ce serait une fiche de consolation, mais RIEN, RIEN, RIEN, c’est bien peu. Je pense que vous n’allez pas encore venir avant cinq heures de l’après-midi ? Hélas ! je n’ai pas besoin de parier, je n’en suis que trop sûre. Je ne vous en fais même pas un reproche à cause des affaires sans nombre que vous avez, mais j’en suis triste et découragée au point de me trouver souvent très malheureuse. J’ai tort de te dire cela, mon amour, c’est bête et c’est inutile. Je t’en demande pardon. D’abord je n’ai pas le droit d’être grognon puisque tu m’as donné quatre sous hier et que j’ai mieux dormi cette nuit. Tu as le droit d’exiger de moi pour quatre sous de bonne humeur. Je le reconnais et je m’empresse de les mettre à ta disposition avec tout ce que j’ai de plus tendre et de meilleur en moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 105-106
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse


15 avril [1849], dimanche midi

Je me suis engagée vis-à-vis toi, ce matin à te laisser pour quatre sous de bonne humeur et je voudrais tâcher de ne pas manquer à l’engagement que j’ai pris. Cependant j’ai déjà vidé le fond et le tréfondsa de mon sac et je n’en trouve pas pour deux liards, jusqu’à présent, ce qui me fait un grand déficit. Mais est-ce qu’il ne serait pas possible d’établir une banque d’échange où l’amour remplacerait l’esprit et la gaité ? À ce compte-là je serais trop riche et je ne redevrais rien pour ma bonne humeur passée, présente et future. C’est à vous de voir si vous acceptez ce compromis d’une Juju qui s’ennuie de ne pas vous voir et d’une Juju qui vous adore. Ne vous opposez pas à cette transaction puisque aussi bien je n’ai pas autre chose à vous donner que mon cœur. Plus tard, si le bonheur me revient, je m’engage à vous le rendre en joie et en sourire, mais pour le moment je ne peux que vous aimer, vous aimer encore et vous aimer toujours. Du reste, mon adoré, je rends pleine et entière justice à votre bonté et à votre patience car je reconnais qu’il me faut une fameuse dose pour supporter ces éternelles jérémiades dont aucun esprit ne relève la faveur et ne rompt la monotonie. Je le reconnais et je vous en suis on ne peut pas plus reconnaissante mais j’aimerais mieux moins de bonté et de patience de votre part et plus d’amour. Voilà mon tic. Je ne sors pas de là.

Juliette

MVHP, MS a8186
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « tréfond ».

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