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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mars 1845

24 mars [1845], lundi matin, 11 h.

Je ne sais plus que te dire, mon bien-aimé, car je ne voudrais pas t’ennuyer dans le cas où tu ne m’aimerais plus et je ne voudrais pas être injuste dans le cas où tu m’aimerais encore et où il ne t’aurait pas été possible de venir cette nuit m’embrasser. Je flotte entre ces deux suppositions et je ne sais vraiment que te dire pour ne pas t’offenser ou t’attrister. Tout ce dont je puis t’assurer, c’est que tu es mon pauvre amour de plus en plus aimé et de plus en plus désiré ardemmenta par ta pauvre vieille Juju. Je suis bien malingre ce matin. J’ai passé une nuit atroce. Peut-être aurais-jeb dû rester couchée mais cela m’ennuie de rester au lit le jour et je me suis levée comme j’ai pu. Je veux absolument copier ce que tu m’as donné hier. Je vais me dépêcher de faire ta tisanec et de m’habiller dans cette intention. Seulement si je ne te vois pas tout à l’heure, je serai bien découragée et bien malheureuse. Il n’y a pas de raison et de raisonnement, mon cher bien-aimé, qui tiennent contre une absence aussi continue. Il faudrait pour cela ne pas t’aimer comme je t’aime. Pour me faire prendre patience et courage, je me dis que ton livre va bientôt paraître [1] et que tu me dédommageras par de bonnes nuits et de longues matinées de tout ce que j’ai souffert tout cet hiver. Hélas ! un bon tiensd vaudrait mieux pour mon cœur dans ce moment-ci que deux tu auras. Mais je n’ai pas le choix malheureusement. Je t’aime, mon Victor, viens bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 221-222
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ardement ».
b) « aurai-je ».
c) « ta tisanne ».
d) « un bon tient ».


24 mars [1845], lundi soir, 6 h.

Depuis que tu m’as quittée, mon Toto, j’ai passé mon temps à recevoir Mlle Hureau, Clémentine, Mme Guérard et enfin le fils Jourdain. Toutes ces personnes que je vois très rarement sont restées chacune assez longtemps avec moi à l’exception toutefois de M. Jourdain qui n’a pris que le temps de me remettre les mémoires réduits. Voici dans quel ordre procède la réduction : le menuisier, 6 francs seulement
le peintre –––– 24 francs
et le serrurier – 34 francs
Total 64
Là-dessus nous aurons les honoraires du fils Jourdain à prélever mais enfin ce ne sera pas la totalité de la somme, je l’espère, car alors où serait le bénéfice ?
Toutes ces visites, mon amour, m’ont empêchée de rien copier, mais je vais m’y mettre ce soir et je ne me coucherai pas que ce ne soit fait.
Tu n’es pas venu, mon Toto, tu ne viendras probablement pas avant ton dîner, c’est bien peu encourageant pour ta pauvre Juju. J’ai le cœur plein de tristesse, mon bien-aimé, je ne t’en veux pas mais je souffre. Je voudrais être morte. Je sens que ton amour m’échappe malgré mes efforts surhumains pour le retenir. Aussi je voudrais mourir. Je demande au bon Dieu dans une fervente prière de me reprendre une vie qui n’est plus bonne à rien. M’exaucera-t-il avant que la désillusion soit complètea ? Lui seul le sait et c’est à lui que j’adresse toutes mes prières.
Il est six heures et demie et tu n’es pas venu... Allons, ce sera pour ce soir. Jusque-là j’ai à m’occuper de toi. Je copierai la suite de la table tant que je pourrai. Je t’embrasse mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 223-224
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « complette ».

Notes

[1La nouvelle édition du Rhin paraît le 3 mai 1845.

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