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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mars 1845

21 mars [1845], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit précieux et RARE. Oh ! oui, RARE et bien trop rare même. Ce que vous me donnez un jour, vous me le reprenez le lendemain avec un aplomb superbe. Moi je me laisse faire, ne pouvant pas m’y opposer, mais Dieu sait ce que j’en pense. Enfin, vous viendrez dîner ce soir, ça n’est pas à dédaigner, même avec la certitude que vous me reprendrez demain ce pauvre petit moment de bonheur d’aujourd’hui. Suzanne est allée dès le matin à la halle faire ses provisions en conséquence. Vous ferez un dîner maigre, mon amour, parce que c’est aujourd’hui Vendredi Saint. Je ne veux pas qu’il soit dit que vous vous damnez en ma compagnie.
Il paraît que tu as trouvé Bernard hier, mon Toto, puisque tu n’es pas revenu ? Tu paraissais très sûr de le trouver et même de trouver d’autres personnes, car tu t’époussetais et tu brossais dans cette prévision. Je t’ai attendu jusqu’à minuit. Je me suis réveillée plusieurs fois dans la nuit pour savoir si j’avais encore des chances de te voir, mais tu n’es pas venu. Je t’attends tout à l’heure pour baigner tes yeux. Je vais me mettre à copier dès que j’aurai fini mes affaires. Je vais me dépêcher de les faire. D’ici là, je te baise malgré tous mes rhumes. Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 209-210
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


21 mars [1845], vendredi après-midi, 4 h.

C’est une fatalité qui me poursuit, mon adoré, mais je n’ai pas encore pu copier ta table [1]. Depuis ce matin, j’ai les fumistes qui vont et viennent chez moi. Tout à l’heure ça été Mme Janson, la blanchisseuse de dentelle, à qui j’ai donné 74 francs pour solde de tout compte. Enfin je n’ai pas eu une minute à moi, quoique courant toujours et toujours pressée. Cependant je vais m’y mettre d’arrache-pied jusqu’à l’heure du dîner. J’espère qu’on ne viendra plus me déranger. J’ai payé hier Mlle Féau 100 francs. Le matin, j’avais acheté 40 francs de bois et donné 10 francs [d’] acompte à la mère de Mme Guérard. Il ne me reste que 57 francs des 530 francs que tu m’as donnésa. Voici le relevé de ce que j’ai donné :
Sauvageot ––––––––––––78 francs
Cordonnier ––––––––––– 74 francs total pour moi
Blanchisseuse de dentelle 74 francs personnelle 246 francs
Féau –––––––––––––––– 100 francs
À Mme Guérard ––––––– 10 francs
Bois –––––––––––––––– 41 francs
Gages ––––––––––––––– 26 francs 10
Frotteur et encaustiqueb
Commission –––––––––– 15 francs
Reste ––––––––––––––––57 francs 10
Total : 473 francs 10
Reste pour la dépense
entière de la maison 56 francs 10
depuis le 15
Total 530 francs
Tu vois, mon pauvre bien-aimé qu’il ne m’était guère possible de mettre l’argent du loyer de côté. Du reste, mon adoré, je reconnais que tu as mille fois raison en me défendant de laisser accumuler les fournitures. Je te promets, et tu peux compter sur ma promesse, que ce sera la dernière fois. Je payerai tout au fur et à mesure sans jamais me laisser dépasser d’un sou. Je te le promets, mon adoré, tu peux être tranquille à l’avenir. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 211-212
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu m’as donné ».
b) « ancostic ».

Notes

[1À élucider.

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