Guernesey, 21 mai 1858, vendredi matin, 8 h. ¼
Mon inquiétude enjambe d’une restitus à l’autre, mon cher bien-aimé, et reviens malgré moi sous ma plume parce que ma pensée en est pleine. Je crains que ton bras ne te fasse encore plus de mal qu’hier ce qui serait beaucoup trop pour un pauvre doux être comme toi déjà si surchargé de travaux surhumains. Je voudrais qu’il fût l’heure de te voir pour savoir au juste où en est ton vilain clou. J’avais préparé des oranges pour toi hier avant de sortir, pensant que peut-être tu reviendrais te faire faire un cataplasme ou te reposer ; mais tu n’es pas rentré et mes préparatifs n’ont servi de rien. Cependant, mon cher petit homme, les oranges sont indiquées dans cette saison et pour ce genre d’indisposition. Tu feras donc bien d’en manger le plus que tu pourras. Justement j’en ai une douzaine et demie qui ne demandent pas mieux que d’aider à te guérir en se laissant gober par toi. En attendant, je te baise de l’âme et je t’adore mon ineffable et divin bien aimé. Je t’adore. Juliette.
Merci, merci, merci du fond du cœur pour ta chère petite lettre bénie que j’ai lue à genoux [1].
BnF, Mss, NAF 16379, f. 109
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette