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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16 février 1858, Mardi Gras, 4 h. après-midi

Dans quelques heures il y aura vingt-cinq ans [1] que je t’appartiens corps et âme, mon cher bien-aimé, vingt cinq ans que je t’aime comme jamais homme n’a été aimé, admiré, vénéré, et adoré par une femme, comme tu l’es par moi, depuis le premier moment où je t’ai vu. J’espérais qu’en l’honneur de ce saint Jubilé de mon cœur, tu passerais la plus grande partie de la journée avec moi, sachant surtout que toute ta soirée serait probablement prise par le festin-gala du Mardi Gras. Je vois avec regret que je suis seule à fêter cette date suprême de ma vie. Ton âme a entendu l’appel de la mienne et y a répondu aussitôt, mon cher adoré, car ce n’est pas le besoin d’écrire tes deux lettres, que tu pouvais écrire chez toi, qui t’as amené au moment où je te désirais le plus. C’est ta chère âme qui t’as poussé vers moi quand je commençais à perdre courage pour cette journée la plus lumineuse de ma vie, et que je voyais s’écouler sans un rayon de tes yeux, sans un de tes doux sourires, sans une effluve de ton haleine, sans une bénédiction de ton cœur. Dieu soit loué de t’avoir envoyé pour fêter avec moi ce radieux jour par un baiser et pour en consacrer l’anniversaire dans l’archive précieuse de mon livre rouge [2]. Merci, mon Victor, merci mon bien-aimé, sois heureux ce soir à ta petite fête de tradition pendant que moi je bénirai une à une les vingt-cinq années de mon bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16379, f. 36-37
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin, Pouchain]

Notes

[1Le 16 février 1833.

[2Il était quatre de l’après-midi quand Hugo parut et consacra à l’anniversaire une belle page du livre rouge (dit aussi livre de l’anniversaire) : « Après vingt-cinq ans, notre nuit du 16 au 17 retombe le mardi-gras. Cette grosse joie de la foule est mêlée à la date radieuse de notre amour. Tu te rappelles ce bal où nous devions aller toi et moi, et que nous avons si bien remplacé. Vingt-cinq ans, ce n’est rien, c’est un éclair, c’est un souffle, et l’amour n’en a pas même une ride. Aimer, c’est être à jamais jeune. Et jeune de la vraie et de l’unique jeunesse. Ô mon doux ange toujours plus aimé, il [n’y] a qu’une jeunesse, il n’y a qu’un printemps, il n’y a qu’une aurore, l’amour ! » (Gérard Pouchain, ouvrage cité, p. 128.)

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