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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 octobre [1848], lundi matin, 7 h. ¾

Bonjour, vous, bonjour toi, bonjour, qu’on vous dit et avec la cocotte encore [1]. Figure-toi que j’ai les yeux dans un état hideux. Toute la nuit ils m’ont fait très mal et ce matin je ne peux pas les ouvrir. Une vraie cocotte. Je ne sais pas comment je ferai pour sortir parce qu’ils me font très mal et que je n’y vois pas. Je les ai baignés avec de l’eau de pavots mais je n’en ressens aucun soulagement, il me semble au contraire qu’ils sont piresa qu’avant. Hier au soir, je les avais baignés avant de me coucher. Ce serait farce que ce soit le remède qui m’ait donné le mal. En attendant je suis hideuse et presque aveugle.
J’irai tout de même au rendez-vous quand je devrais emprunter un caniche pour m’y conduire. D’ailleurs il faut que vous me rendiez mes trois sous. J’ai moins de confiance en vous que vous n’en avez dans votre CHER gouvernement. Voilà dix jours que le paiement de semestre est commencé et vous n’avez pas daigné lever le petit doigt pour avoir votre argent. On n’est pas moins pressé et plus confiant que vous ne l’êtes. Je vous admire sans vous approuver et je dis qu’en fait de semestre, un bon tien vaut mieux que deux tu l’auras. Sans compter toutes les choses qui ne se font pas utilement sous ce prétexte, exemple vos matelas. Quant à moi je fais tout ce que je peux pour vous faire penser à vos intérêts mais j’ai le regret de n’y pas réussir. Taisez-vous et allez vous faire payer tout de suite, ça vaudra mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 335-336
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « ils sont pire ».


2 octobre [1848], lundi soir, 4 h.

Je viens de rentrer, mon adoré bien-aimé, toujours assez mal hypothéquée ; cependant il me semble que ma cocotte se calme un peu mais au fur et à mesure que le gonflement et la rougeur diminuenta je sens une autre indisposition, que la pudeur m’empêche de nommer, prendre la place. Au moment où je t’écris je ne sais comment maintenir mon état de siège. J’espère que cela n’aura pas de suite et que demain matin tous mes divers bobos seront rentrés dans l’ordre. C’est pour cela que je n’envoie pas chez le médecin. D’abord parce qu’il ne sera pas chez lui et qu’il viendrait à coup sûr demain juste quand je n’y serais pas. Il sera toujours temps d’ailleurs d’y avoir recours demain dans le cas où je ne pourrais pas sortir absolument. En attendant je vais me coucher et penser à toi tant que je pourrai. C’est le seul moyen de me faire prendre patience jusqu’à demain. Ne t’inquiète pas de moi mon adoré, je t’aime et je ne veux pas être malade sans ta permission. Je ne l’oserais pas. Viens plutôt t’en assurer ce soir et tu verras si je mens.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 337-338
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « diminue ».

Notes

[1Cocotte : nom familier de la conjonctivite ou de la blépharite.

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