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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 4 février 1858, jeudi matin, 9 h. 

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour avec vent et marée, bonjour. J’espère que tu as passé une bonne nuit, et je souhaite que tu aies de bonnes nouvelles de tes femmes ce matin [1]. Quant à moi, je n’en attends de personne et je ne m’en plains pas, si tu m’aimes seulement la moitié autant que je t’aime, ce dont je tâcherai de m’assurer quand je te verrai tout à l’heure. D’ici là, je range ma maison, je vérifie mon lit et j’entends grogner Suzanne après Cassis, lequel a fait toutes sortes d’ordures dans l’antichambre. Cette pauvre fille s’était pourtant donné la peine de le conduire deux fois dehors hier au soir, il faut que cet affreux toutou soit bien décidément vicieux pour se livrer après cela à toutes les infamies de son espèce. Du reste, tel maître, tel chien, dit le proverbe, sagesse des nations et des cuisinières indignées. Je m’en ficherais complètement si cela n’infectait pas la maison et ne devenait pas des sources intarissablesa [depuis  ?]. Il faut convenir que je suis bien injustement punie par où je ne pêche pas et que la liberté démocratique, dans ce cas-ci et dans ce cas-là n’est qu’une stupide et révoltante tyrannie exercée envers la plus bonasse des hospitalités. Ceci avoué, je passe à d’autres considérations qui me touchent d’avantage. Celle de savoir si l’arrivée du magyarb Télékic [2] et de ses [troupes  ? toupies [3]  ?] ne vous forceront pas à rester tous les soirs assidûment chez les Duverdier, à mon grand désappointement ? Je vous sais si disposé à saisir toutes les occasions de rester loin de moi que j’ai quelque raison de craindre que vous ne profitiez de celle-ci avec empressement. D’un autre côté, si cela t’amuse, mon cher adoré, et te fait oublier l’ennui de l’absence de tes femmes, loin de m’en plaindre, je suis contente que tu aies cette distraction et je suis d’avance résignée et presque heureuse d’en faire tous les frais. En attendant, je t’aime dans mon cœur et plein mon âme.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 24-25
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « intarrissables ».
b) « maggyars ».
c) Dessin représentant le colonel Téléki :

© Bibliothèque Nationale de France

Notes

[1La femme et la fille de Victor Hugo sont reparties à Paris le 18 janvier. La mère a l’intention de trouver un mari à sa fille.

[2Victor Hugo note dans son carnet à la date du 8 février 1858 : « Le colonel Téléki est de retour de son voyage à Constantinople. Il est marié. Il restera ici 15 jours. » (CFL, t. X, p. 1441.)

[3Toupies : Femmes de mauvaise vie.

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