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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 août 1848

5a août [1848], samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, comment vas-tu ce matin ? Es-tu moins fatigué et moins absorbé qu’hier ? Cher bien-aimé je t’ai quitté avec un sentiment d’inquiétude qui n’a fait qu’augmenter depuis. Aussi j’ai hâte de te revoir pour me tranquilliser et pour être bien sûre que ce temps d’orage, joint à toutes les préoccupationsb du moment, ne t’a pas fait de mal. Je serai bien heureuse si je te trouve dans de bonnes dispositions de santé et d’esprit. En attendant je vis comme je peux avec le plus effroyable mal de tête qui se puisse imaginer. Ce matin je craignais de ne pouvoir pas me lever tant les douleurs étaient atroces mais la crainte d’être en retard et de manquer l’heure de te voir m’a donné du courage et je me suis jetée à bas du lit tout de suite. Cela m’a réussic à moitié et j’espère que l’air et le bonheur de te voir achèveront de me débarrasser de ce stupide mal de tête. En attendant je m’épêche, je m’épêche de faire mes AFFAIRES et je t’aime à corps perdu.

Juliette

MVH, 8120
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) Juliette a noté la date du 6 août sur la lettre. Le chiffre a été barré d’une autre main et remplacé par un 5.
b) « préocupations ».
c) « réussit ».


5a août [1848], samedi matin, 10 h.

Je vais te voir, mon petit homme, cette pensée me fait du bien et rafraîchitb la tête. Du reste si je n’avais pas ce doux espoir je resterais aplatiec sous les douleurs violentes de ma migraine. Heureusement que le moment approche et que je n’ai plus longtemps à attendre. Quand donc aurai-je le fameux billet de NEUF JOURS ? Il me semble que j’ai fait preuve d’assez de patience et de beaucoup trop de confiance pour n’avoir pas le droit de me révolter un peu contre cet abus de la force et cet arbitraire de pouvoir. À partir d’aujourd’hui je m’insurge, je me joins à Caussidière, à Louis Blanc et autre Proudhon de même couleur et je fais des barricades envers et contre tous et je viole l’Assemblée nationale dans votre personne [1]. J’arbore le drapeau rouge et je tire l’allumette chimique à bout portant contre tous ceux qui me résisteront. Vous pouvez me dénoncer si vous l’osez, je m’en fiche comme de l’an 1848. Et Dieu sait comme je m’en fiche. Baisez-moi ou la mort.

Juliette

MVH, 8121
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) Juliette Drouet a noté la date du 6 août sur la lettre. Le chiffre a été barré et remplacé par un 5.
b) « raffraichît ».
c) « applatie ».

Notes

[1Suite aux journées de Juin 1848, le général Cavaignac entreprend une véritable répression judiciaire qui prévoit, par le biais de la formation d’une commission d’enquête, l’arrestation de toutes les personnalités socialistes jugées responsables des émeutes. Tandis que Blanqui, Raspail, Barbès, et Albert ont été arrêtés en mai 1848, Caussidière et Louis Blanc, ont fui vers l’Angleterre. Proudhon, ostensiblement étranger aux luttes de 1848, continue en solitaire la propagande du socialisme dans son journal, Le Représentant du peuple. Le 26 août 1848, la majorité de l’Assemblée votera l’autorisation des poursuites contre les deux fugitifs.

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