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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juin 1848

4 juin [1848], dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon doux bien-aimé, bonjour, que le bon Dieu te donne toutes les consolations et toutes les joies, comme il t’a donné toutes les gloires et toutes les tribulations. Je pense à toi avec adoration et je prie le bon Dieu pour tous ceux que tu aimes avec tout ce que j’ai de foi pure et ardente dans le cœur. J’espère que le bon Dieu m’exaucera encore une fois et que tu n’auras aucun nouveau chagrin dans ta chère famille. En attendant, ta pauvre vie est surchargée de toutes sortes de devoirs bien lourds et bien embarrassants et je vois avec terreur que tu vas y ajouter le plus difficile et le plus pénible de tous. J’espère que le bon Dieu et les électeurs aidant, tu ne seras pas nommé [1]. Il m’est impossible, plus j’y pense, de désirer que tu sois nommé de cette assemblée parce que je prévois que tout ton courage, tout ton dévouement et tout ton génie ne parviendront pas à empêcher la catastrophe prochaine qui doit la disloquer et l’emporter. Dans l’intérêt même de tous il vaut mieux que tu te trouves tout entier et avec toute ta puissance au moment de la régénération. Je te demande pardon d’oser te parler politique, Dieu sait que c’est à mon cœur défendant, et que j’aimerais mieux te parler culotte, voyage, doux loisir et amour qu’élection, république, émeute et révolution.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 215-216
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Blewer, Souchon]


4 juin [1848], dimanche après-midi, 1 h.

Je te suis de la pensée, mon bien-aimé, je te couve de l’âme, je t’aime et je te bénis. Tout ce qu’un cœur peut éprouver d’admiration, de respect, de dévouement et d’adoration, je l’éprouve pour toi, mon sublime bien-aimé. Tu es le soleil de ma vie, la religion de mon âme, le Dieu de mon ciel. Je suis tout en toi et par toi et tu es tout pour moi. Je n’ose pas espérer te voir avant ce soir, mon pauvre adoré, c’est là le supplice de mon existence mais je le subis le plus courageusement que je peux en songeant que ce n’est pas ta faute et que tu m’aimes. Si je pouvais être sûre que tu n’as rien de plus grave à ajouter à tes inquiétudes d’hier au soir, il me semble que je serais moins impatiente et moins malheureuse mais cette incertitude de savoir ce qui s’est passé depuis hier pour ton fils [2] me rend les heures d’attente plus longues et plus douloureuses encore que d’habitude. Quand donc, mon Dieu, sortirons-nous de cette affreuse veine de malheurs et de tourments ? Il me semble pourtant que l’épreuve a été assez longue et assez terrible pour qu’on nous donne un peu de répit et de bonheur. Ce ne serait que justice, n’est-ce pas, mon adoré ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 217-218
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Ce jour-là ont lieu les élections complémentaires à la Constituante. Arrivé en septième position avec plus de quatre-vingt six mille voix, Victor Hugo est élu député de Paris. Les résultats ne seront rendus officiellement que le 8 juin 1848.

[2À élucider.

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