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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 avril [1846], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour mon petit Toto, bonjour ma fête, bonjour mon Dieu, bonjour ma joie. Je ne sais pas si je te verrai de bonne heure aujourd’hui mais je sais très bien que je te désire de toutes mes forces et que je serai bien heureuse si tu viens plus tôt que d’habitude. C’est aujourd’hui que je devrais voir le fils Krafft à moins que sa mère n’ait encore ajourné ou renoncé à son voyage [1]. Ce serait ce qu’elle aurait de mieux à faire si elle avait le sens commun, mais je ne l’espère pas. Quant à moi, je suis très décidée à me tenir le plus en dehors possible de ses affaires. Je ne me pardonnerai pas de te compromettre de près ou de loin par ma faute, aussi sans lui refuser tous les services possibles, à part ceux qui t’engageraient autant et plus que moi, je les lui rendrai avec ton consentement et de tout mon cœur mais je ne ferai rien au-delà. Je crois que je suis dans le vrai et dans le juste en parlant ainsi, n’est-ce pas mon adoré ? Mardi soir j’aurai ma fille que je garderai jusqu’à jeudi matin. Si Mme Luthereau est là, elle pourra voir par elle-même que ma fille n’est pas dans un état de santé parfait. En attendant, il faut qu’elle demeure hors de chez moi, voilà ce qui est indispensable. Et puis je remplis mes gribouillis de tout cela tandis que j’ai des millions de baisers à te donner.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 369-370
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


12 avril [1846], dimanche après-midi, 3 h. ½

Te voilà parti, mon bien-aimé et tu emportes avec toi ma joie et mon bonheur. Je tremble que ce ne soit pour longtemps et que je ne te revoie plus que bien avant dans la nuit ? Je ne veux pas m’appesantir sur cette maussade possibilité pour conserver le plus possible l’impression douce et charmante que m’ont laissée les quelques instants que tu viens de passer auprès de moi. Merci, cher adoré, merci, mon doux aimé, tu m’as rendue bien heureuse tout à l’heure. Je veux tâcher de conserver cette joie jusqu’au moment où je te reverrai. Hélas ! pourvu que ce ne soit pas dans trop longtemps. Depuis que tu es parti, ma cheminée ne fume plus, c’est toujours comme cela que les choses arrivent. Si je pouvais lui tirer le nez, je le ferais avec enthousiasme pour lui apprendre à avoir plus d’intelligence une autre fois et à respecter tes beaux yeux adorés. Elle ne devrait fumer que pour la délicieuse Mlle Féau ou la délirante Mme Triger. Quand on parle de Mlle Féau, on en voit l’horrible nez. Elle vient de venir avec sa sœur et aussi de s’en aller, Dieu soit béni. Voici Eugénie que je renvoie chercher son fils et sa fille de boutique à la Place Royale. Je les invitea tous à dîner, c’est-à-dire à manger mon bœuf. Je croyais être seule toute la soirée, je suis contente de m’être trompée et d’avoir la compagnie de ma pauvre filleule qui est en même temps une excellente femme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 371-372
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « invites ».

Notes

[1Laure Krafft, amie de Juliette Drouet, a eu deux enfants hors-mariage dans sa jeunesse, puis s’est mariée avec Jean Luthereau, et vit avec lui à Bruxelles. Elle projette une visite à Paris pour une affaire délicate dont on ignore la nature exacte. Juliette veut lui venir en aide sans risquer sa réputation. Elle lui cherche donc un logement pour éviter de l’héberger.

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