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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mai 1848

17 mai [1848], mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour je vous aime mais je ne suis pas contente. Vous êtes cause que je me suis endormie hier avec votre séance de cabinet de lecture. Venir chez une malheureuse femme à onze heures du soir rien que pour lire les journaux c’est plus qu’ennuyeux c’est féroce. Si j’étais la plus forte il y a longtemps que je vous aurais fait passer cette malséante manie. Malheureusement je suis la plus faible ce qui fait que je m’endors comme un sabot, privé de son stimulant. Du reste vous êtes cause que j’ai fait de très vilains rêves et que j’ai un mal de tête absurde. Je suis sûre que vous n’aurez pas la générosité de venir me le guérir cependant vous n’avez rien de mieux à faire aujourd’hui que je sache ? Taisez-vous et rougissez si vous pouvez. D’ailleurs regardez-moi, cela vous sera très facile ne fût-ce que par la réverbération de mon visage couleur d’incendie. Au reste cela n’est pas étonnant puisque je BRÛLE….. de vous donner des griffes, des coups et des calottes à indiscrétion.

Juliette

MVH, 8086
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux


17 mai [1848], mercredi matin, 11 h. ¾

Je me dispense de me mettre sous les armes aujourd’hui, d’aborda parce que je crois que vous n’allez nulle part, ensuite parce que cela ne me réussit pas assez bien, témoin hier ; cependant voilà huit jours que je n’ai mis le pied dans la rue et je commence à trouver le temps long. Que sera-ce donc si vous ne venez pas avant ce soir ? D’y penser il me semble déjà sentir une chappe de plomb sur tout mon corps. Tu ne peux pas te figurer, mon amour, ce que c’est pour moi qu’une journée passée sans te voir. Toute l’activité de ma vie se réfugie dans mon cœur pour en décupler les battements et pour t’emplir d’ennui et d’impatience tandis que tout le reste de mon être s’engourdit et se paralyse. Si tu avais jamais senti cela tu aurais pitié de ta pauvre Juju et tu ne la laisserais jamais aussi longtemps sans te voir quelles queb soient tes affaires et tes occupations. Je n’espère pas te voir avant tantôt bien tard aussi je suis triste et mouzon. À force de faire servir les souvenirs de mon bonheur passé ils finissent par s’user et par ne plus vouloir faire leur office de consolateur et de bonheur rétrospectif. Pour peu qu’on les y force même ils deviendraient très féroces et très méchants. Tu vois à quelles extrémités je suis réduite loin de toi.

Juliette

MVH, 8087
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « Dabord ».
b) « quelque ».

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