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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 février [1846], mardi matin, 9 h. ¾

Bonjour aimé, bonjour mon adoré, bonjour mon Toto, bonjour tu es beau. Je t’aime, tu es bon, je t’adore, tu es mon divin bien-aimé dont je baise les pieds. Je n’ai qu’un désir : te voir, qu’un besoin : te plaire, qu’un but : te donner ma vie. Tâche de venir de bonne heure, mon Victor chéri, ce sera autant de courage et de patience que tu me donneras pour le reste de la journée. Je ne sais pas ce que tu attends pour me donner à copier ? Je crains de t’ennuyerª en insistant avec cette ténacité et pourtant j’y reviens sans cesse tant j’aime à copier tes sublimes gribouillis. Si je ne craignais pas de vous fâcherᵇ tout rouge je me distribuerais à moi-même ma besogne. Ce serait autant de peine de moins pour vous puisque vous n’avez pas le temps de faire ce triage. Enfin, de quelque façon que je m’y prenne, je n’obtiens pas ce que je désire, on n’est pas plus favorisée. Taisez-vous, méchant, vous ne méritez pas qu’on vous aime comme je le fais. C’est mille millions de fois trop vrai, taisez-vous. Je ne vous demande pas à sortir parce que vous ne le feriez pas et puis parce que j’attends ce soir cette dame en question [1]. Je resterai dans mon coin avec résignation, trop heureuse si vous venez m’y retrouver plus tôt qu’à l’ordinaire. D’ici là je vous baise et je vous désire de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 115-116
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « t’ennuier ».
b) « facher ».


3 février [1846], mardi soir, 4 h. 

Que veux-tu que je te dise, mon bien-aimé, pour ne pas te laisser voir mon impatience et mon découragement ? Je sais que tu travailles, je ne veux pas te gronder, je sens que je t’aime et que je suis triste au-delà de toute expression. Quand tu viendras tout sera oublié mais jusque là je ne sais pas à quel saint me vouer. J’ai eu tantôt la visite de Mme Lanvin. D’après ton conseil, je l’ai reçueª, avec beaucoup de calme et de douceur. Mais je suis d’avis plus que jamais de ne pas l’attirer chez moi comme je le faisais autrefois, du moins jusqu’à ce qu’il me soit prouvé clair comme le jour qu’elle est aussi honnête que je l’avais cru jusqu’à présent. Elle est partie tout à l’heure, et je ne lui ai pas demandé quand elle reviendrait. Claire m’a écrit pour que je l’envoie chercher demain matin par Eulalie pour aller chez ce M. Barrière. Encore un dérangement, encore des frais. Puissent-ils êtres les derniers mais je ne vois pas que toute la protection et toute la bonne volonté constatée de ces messieurs la fasse avancer d’un pas. C’est désolant, j’en suis honteuse pour elle et pour moi. Enfin demain elle fera une tentative auprès de ce monsieur dont le nom paraît être un mythe qu’elle ne pourra jamais franchir. Que le diable l’emporte si cela dépend de ce barrière là et que le bon dieu nous soit en aide si cela tient à l’ignorance et au guignon de ma pauvre péronnelle [2]. En attendant je t’attends. T’attendrai-je encore longtemps ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 117-118
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « reçu ».

Notes

[1Mme Lanvin.

[2Claire a précédemment échoué à son examen pour devenir institutrice.

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