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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 janvier [1848], lundi matin, 2 h.

Bonjour, mon pauvre bien-aimé, bonjour, mon trop vertueux petit homme. Comment vas-tu ce matin ? As-tu bien dormi ? Comment va ta tête ? Quand je pense à ton équipiera d’avant-hier je suis furieuse et je te battrais pour t’apprendre à ne pas faire de la générosité aux dépens de ton repos et de ta santé. Autrefois tu serais venu te coucher près de moi. Mais maintenant tu préfères mourir de froid et de sommeil toute une nuit sur un fauteuil et dans une chambre sans feu que d’user de mon hospitalité. C’est très humiliant pour ma pauvre carcasse mais cela pouvait être très féroce pour la tienne car tu ne risquais rien moins que d’attraperb une fluxion de poitrine ou une congestion cérébrale. Il est vrai qu’Isidore avait les pieds chauds et pouvait se livrer aux rêves les plus voluptueux c’était bien quelque chose et je comprends que pour ne pas troubler un si bel état tu sois resté toute une nuit à la porte de la chambre, stupide PHILANTHROPE va. Je ne peux pas te dire à quel point ce souvenir m’exaspère. D’ailleurs pourquoi n’es-tu pas allé dans la chambre de Julie [1] ? Je ne comprends pas ce qui a pu t’en empêcher puisque déjà plusieurs fois tu avais usé de cette chambre en différentes occasions. Il y a là-dessous quelque hideuxc mystère probablement mais je le percerai, soyez tranquille.

Juliette

MVH, 7836
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « équipié ».
b) « attrapper ».
c) « hideu ».


17 janvier [1848], lundi après-midi, 1 h.

Je suis triste et mécontente sans savoir pourquoi, ou plutôt je ne le sais que trop. Comment ne pas l’être avec les imprudences absurdes que tu fais à plaisir contre ta santé ! Il faut d’un autre côté que je sois bien répulsive pour que tu aies préféré crever de froid que de venir t’abriter dans mon lit. Plus j’y pense et plus j’en suis blessée au fond du cœur. Cette idée m’a poursuiviea toute la nuit et j’en ai rêvé tout ce qu’il est possible d’en rêver d’humiliant et de triste. Je devrais ne pas t’en parler mais mon amour mécontent parle plus haut que ma dignité, ce qui fait que je t’en parlerai jusqu’à extinction. Pourvu qu’il ne te soit rien arrivé de cette belle action. Il faudra que j’attente probablement jusqu’à ce soir pour le savoir ce qui n’est pas le moins pénible pour mon impatience. Cher adoré je suis toute grimaude ce matin et le plus malheureux c’est que je crois en avoir sujet. Toi seul pourrasb me tirer de cette vilaine conviction. En attendant je ne sais de quel côté porter mes yeux pour ne pas voir de choses tristes. Dans ce moment-ci on va et on vient chez Mme Burgot qui est au plus mal. Quoique je connaisse à peine cette dame, la pensée qu’elle va peut-être mourir d’ici à quelques heures me serre le cœur et me trouble toutes les idées. Cette maison n’est pas heureuse pour ses habitants. Mais je t’afflige mon adoré quand je devrais te baiser à deux genoux.

Juliette

MVH, 7837
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « poursuivi ».
b) « pourra ».

Notes

[1À notre connaissance, il n’y avait pas de chambre pour Julie Foucher place Royale. Néanmoins, peut-être disposait-elle d’un lit chez la famille Hugo dans la chambre vide de Léopoldine.

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