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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 décembre [1847], mardi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour mon bien-aimé, toujours et de plus en plus mon adoré. Je retiens votre bonne promesse de me lire ce soir [1]. J’espère que rien ne s’opposera à ce que tu puissesa me donner cette joie. Mais mon Toto je n’ai pas besoin de sortir avant l’heure d’aller te chercher. J’irai auparavant chez le médecin et puis ce sera assez. Seulement je voudrais que tu avisassesb à me trouver une station nouvelle puisque celle de l’aimable Céleste [2] se trouvera démolie au premier Janvier. Voilà ce que je voulais te dire hier entre deux portes et à moitié nue et tu as cru que je ne voulais pas aller te chercher du tout ce qui serait le comble de l’impossibilité puisque je passe ma vie à t’attendre, à te désirer et à guetter toutes les pauvres petites minutes dont tu peux disposer hors de ton travail. Il est fâcheux que cette pauvre mère Tissard demeure au sixième sur le derrière car sans cela je t’aurais prié d’y venir me prendre puisque c’est autant sur ton chemin et ne t’éloigne pas davantage. Mais la difficulté des six étages rend la chose peu praticable. Il ne me reste donc que la station de l’église et tu sais quels inconvénients, outre le froid, il y a dans le séjour prolongé le soir dans une église déserte. Cependant je n’en vois pas d’autre et je m’y résigne plutôt que de renoncer à te voir un quart d’heure plus vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 294-295
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « puisse ».
b) « avisasse ».


21 décembre [1847], mardi midi

Je t’attends, mon Victor aimé, et pourtant je n’espère pas beaucoup te voir d’après ce que tu m’as dit en me quittant hier au soir. Quand tu me donnes rendez-vous d’avance il est rare que tu viennes dans l’intervalle aussi je ne compte pas beaucoup sur la chance qui me reste. En général elles ne [plusieurs mots illisibles]. Je ne veux pas que tu me prives d’être avec toi dans la matinée du jeudi et j’aimerais mieux faire dire à tout hasard demain que je ne pourrai pas y aller. Je veux n’avoir jamais à me reprocher d’avoir manqué par ma faute une seule des trop rares et trop petites occasions de te voir. Si tu as le temps ce soir je te ferai penser à acheter du papier commun. Je ne tiens pas du tout à étaler mes griffouillis sur du papier satiné. Je me trouvea plus à mon aise avec du papier d’épicier. Mon style ne le déshonore pas et nous nous trouvons très bien l’un portant l’autre. Je laisse aux académiciens, aux pairs de France et aux chiffonniers ce luxe de papeterie exorbitant. Je me contente de mouchoirs moins déguenillés et de papier plus hideux voilà mon genre. Comment va ton mal de tête mon amour ? Si tu n’as pas retravaillé cette nuit il seb sera passé, je l’espère. Ce qui te donne ces maux de tête, c’est la fatigue. Quand je pense à la manière dont tu travailles j’en suis effrayée pour ta santé. Je voudrais pour bien des raisons dont la première est la sollicitude pour ta santé que ce travail gigantesque fût fini. Je le voudrais autant que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 296-297
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « trouves ».
b) « ce ».

Notes

[1Juliette Drouet réclame la lecture de Jean Tréjean.

[2Victor et Juliette se donnaient parfois rendez-vous dans la boutique de Céleste Féau, lorsque Hugo sortait de l’Académie. Ce lieu de rendez-vous était plus confortable que les églises.

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