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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 novembre [1847], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon amour, bonjour mon adoré, bonjour à toute bride et à tout cœur. Je vous baise à jeun parce que cela ouvre l’appétit et que cela fait grand bien. Je vous remercie de m’avoir donné mon petit dimanche hier au soir. Sans votre adorable complaisance, j’aurais été réduite à Céleste Féau pour tout bonheur. C’eût été un peu chesse au physiquea et au moral. Heureusement que votre paresse est venue en aide à ma prière et queb j’ai pu grignoterc dans mon lit le bonheur de vous voir pendant une heure.
Maintenant je retiens la première prochaine représentation d’Hernani [1].Je ne serai pas fâchée, je l’avoue, de me délecter un peu dans vos beaux vers pour me dégourdir de toutes ces hideuses proses de la presse périodique et autre. Autant j’ai peu de goût ou plutôt autant j’ai horreur des belles aux cheveux d’or [2], autant j’ai de passion pour ce brave Hernani et toute sa famille. Voilà mes doctrines littéraires. Baise-moi, souris-moi, porte-moi et aime-moi, je le veux ou la mort.

Juliette

MVH, α 9010
Transcription de Nicole Savy

a) « phisique ».
b) Rayé de petits traits verticaux.
c) « grignotter ».


8 novembre [1847], lundi midi

Je ne sais pas si tu as l’intention de venir de bonne heure, mon petit homme. Mais je sais que je te désire de toutes mes forces et que je serais bien contente si tu venais tout de suite. D’abord tu me montrerais tes dessins, que j’ai eu la délicatesse de ne pas regarder, et surtout je te verrais, toi, mon beau, mon idéal, mon ravissant petit Toto. Plus je te vois et plus je t’aime, ce qui ne veut pas dire que moins je te vois et moins je te désire, au contraire. Tout m’est un sujet de t’aimer et de te désirer davantage. Jusqu’à présent rien n’a pu affaiblir, ni diminuer le bonheur que j’ai à te voir. C’est ainsi et pas autrement, tu le sais bien au reste et je ne me plains que de ton absence sans jamais varier d’une seconde.
J’irai demain te chercher à l’Académie. Je voudrais trouver une station moins ennuyeuse que Féau et moins froide qu’une église. Comment faire ? Jusqu’à présent je ne trouve rien, mais toi si inventif et si ingénieux tu devrais tâcher de trouver, tu me rendrais un véritable service. En attendant je t’adore.

Juliette

MVH, α 9011
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1La pièce est reprise au Théâtre-Français depuis le 31 octobre.

[2La Belle aux cheveux d’or est le titre d’un conte de Mme d’Aulnoy, et d’une pièce de Cogniard donnée en août précédent au Théâtre de la Porte Saint-Martin, avec Marie Daubrun dans le rôle-titre. Or en plus d’être frustrée de théâtre, Juliette était brune…

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