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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 mars [1850], samedi midi ¾

Je suis bien triste, mon amour, car je n’aurai pas fait ta tisanea aujourd’hui et je ne pourrai pas te conduire à la séance de l’Assemblée. Hélas ! je te verrai à peine quelques minutes tantôt quand tu iras à la Chambre car ce soir tu assisteras à la première représentation de la Notre-Dame de Paris [1]. Demain, si je ne suis pas tout à fait hors d’état de me bouger, il faudra que j’aille à ce dîner de fête. C’est devenu presque obligatoire par les bonnes grâces de toutes sortes que ces braves gens ont pour moi et par l’aimable insistance qu’y met Mme de Montferrier. Ainsi, mon Victor, je prévois que je te verrai en tout cinq minutes en deux jours. C’est bien peu, pour un cœur affamé comme le mien, et je ne sais pas comment je ferai pour me résigner à cette portion congrue que me font les circonstances. Pour un peu je pleurerais à chaudes larmes tant je suis agacée et triste de cette vie : chacun de son côté. Vois-tu, mon petit homme, jamais je ne m’habituerai à ne pas faire de toi la seule préoccupation de ma vie et l’unique objet de mes actions. Ce n’est pas de ma faute mais c’est ainsi. Plus je vais et plus tu m’es indispensable. J’en suis arrivée au point de désirer d’être encore plus hideuse et plus souffrante demain qu’aujourd’hui pour avoir le droit de rester chez moi, sans impolitesse, à t’attendre et à te désirer dans mon coin toute seule. J’espère que j’y parviendrai car jusqu’à présent mes gales ne font que croître et qu’enlaidir [2] : c’est infâme, c’est horrible, c’est effroyable ! Quel bonheur ! Quel bonheur ! Quel bonheur !

Juliette

Collection Claude de Flers (juin 2013)
Transcription Florence Naugrette


a) Juliette écrit « tisanne », comme le fait Victor Hugo.

Notes

[1La première de Notre-Dame de Paris de Paul Foucher a lieu à l’Ambigu-Comique le 16 mars 1850.

[2Juliette Drouet a la gale de mars 1850 à juillet 1851. Elle fait successivement appel à une somnambule, au docteur Triger puis au dermatologue Künckel pour s’en débarrasser. (Remerciements à Anne Kieffer, qui nous a fourni tous ces renseignements.)

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