Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Septembre > 23

23 septembre [1847], jeudi matin, 8 h.

Bonjour mon Victor bien-aimé, bonjour mon cher petit contrarié, bonjour mon pauvre dévalisé, bonjour je t’aime. Je voudrais avoir une autre tapisserie plus belle à te donner pour combler le vide de celle-là. Malheureusement je n’en ai pas. Je t’assure que, malgré ma rapacité bien connue, j’aurais une grande joie à t’en donner une si je l’avais euea afin de te faire oublier la perte de celle-là. En attendant je t’y fais trop penser ce qui est stupide. Jour mon Toto, jour mon cher petit O. Il fait un temps à manger tout cru et fait à plaisir pour le voyage de ta famille [1]. Ce rayon de soleil et le changement d’air achèveront le rétablissement de ton fils et feront une heureuse diversion à l’indisposition de ta femme [2]. Il faut espérer en outre que ce même soleil nous favorisera pendant nos deux pauvres jours et que nous verrons Gisors à SEC après l’avoir vu dans le déluge [3]. Je me fais une joie d’enfant de revoir le talusb sur lequel j’ai si glorieusement déboulé, l’auberge où nous avons fait ce triomphant déjeuner devant cette bonne bourrée flambante dans la cheminée. Je suis heureuse d’avance de remettre mes pieds dans tous les chemins que nous avons parcourus ensemble dans ce pays, mes yeux sur tout ce que nous avons regardé, mon âme dans tous les souvenirs de bonheur que nous avons semés dans ce petit coin de terre. Mon cœur bat plus vite en songeant que ce sera bientôt. Mon Dieu que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 220-221
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Souchon, Massin, Blewer]

a) « eu ».
b) « talu ».


23 septembre [1847], jeudi après-midi, 2 h.

Il est probable que tout ton monde sera parti ce matin et que tu auras été les reconduire jusqu’au chemin de fer ? Peut-être pourrais-tu venir plus tôt puisque tu dois dîner ce soir avec ton Charlot il serait juste de me donner l’après-midi en rabibochage. Dans cet espoir je me dépêche le plus que je peux pour ne pas manquer une seule des minutes que tu me donneras. Mon Dieu quel beau temps cela redouble mon impatience. Je voudrais tant qu’il fît beau les deux jours que nous passerons ensemble que je serais capable de saisir celui aussi au vol pour ne pas l’échapper [4]. Malheureusement tu n’es pas dans la même disposition d’esprit et de cœur que moi ce qui fait que nous attendrons le retour de la pluie pour nous mettre en route. Mon Dieu quelle absurde vieille grognon je fais et comme c’est bien tourné tout ce que je te rognonne là. Il faut que le besoin de me trouver seule avec toi soit bien vif puisqu’il me fait oublier qu’il ne dépend pas de toi d’être libre plus tôt. Pardonne-moi, mon Victor adoré, et dis-toi que je t’aime au point d’en être folle et méchante. Je te baise depuis les pieds jusqu’à la tête.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 222-223
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Adèle Hugo et ses enfants sont partis le jour même pour Villequier.

[2François-Victor se remet de la typhoïde, qu’il a transmise à sa mère.

[3Comme le rappelle Evelyn Blewer (ouvrage cité, p. 110), c’était le 27 août 1834, lors de leur deuxième voyage ensemble.

[4Le voyage évoqué par Juliette durera plus de deux jours. Victor Hugo et elle quitteront Paris le 30 septembre et passeront par Mantes, Les Andelys avant de se rendre à Caudebec le 3 octobre, où le poète rejoindra sa famille à Villequier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne