Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Août > 17

17 août [1847], mardi matin, 7 h. ¼

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, mon doux adoré, bonjour. C’est à votre tour d’être endormi et de ne pas entendre toutes les tendresses que je vous envoie et de ne pas sentir toutes les caresses que je vous fais. Notre vie ressemble à celles du veilleur d’Abbeville [1], lequel se couche quand sa femme se lève. Cette charmante manière de vivre constitue un bonheur médiocre et dont je ne donnerais pas deux liards si j’avais le choix. Mais ne L’AVANT PAS, le choix, je fais ce que je peux pour me résigner en m’aidant de toutes les grimaces possibles et impossibles. Il paraît que vous n’avez pas eu la peine de faire sortir Fouyou cette nuit puisqu’on n’avait pas pu, SOI-DISANT, le faire rentrer hier au soir. Suzanne et vous vous entendez pour donner GRATIS la possession de mon jardin pendant la nuit à ce monstre de Fouyou au risque de me ruiner de toutes les manières. C’est une façon bien peu délicate d’entendre le droit des gens et je ne vous en croyais pas capable. On n’est jamais trahi que par les siens. Maintenant que vous n’avez plus de chambre et que vous n’avez d’Académie que le jeudi, je suis prisonnière six jours par semaine. Je ne m’en plaindrais pas, au contraire, si je vous avais pour geôlier et si vous vouliez bien me garder À VUE. Malheureusement vous avez trop de confiance en moi et vous ne craignez pas assez que je M’ÉVASE, ce dont je rage bien fort.

Juliette

Pierpont, Misc Ray, MA 4500, Drouet, Juliette
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]


17 août [1847], mardi matin, 11 h.

Quel chien ou quel Asseline avez-vous à fouetter ou à décorer aujourd’hui, mon Toto ? Il est impossible que vous n’ayez pas quelque chose à me mettre sur le nez aujourd’hui pour m’empêcher de me plaindre de ne pas vous voir. Je m’y attends et d’avance je mets mon nez dans la mécanique pour vous en éviter la peine. On n’est pas plus obligeante que cette Juju-là et je doute que Chaumontel lui-même y mette plus de complaisance et de bonne grâce. Ce que c’est que d’être bien dressée, cela va tout seul. Voime, voime, affreux gredin avec d’affreux grincements de dents et d’atroces langues de trente-six pieds de long sans parler du nez qui pourrait servir de queue à tout le phalanstère réunia. Voilà comment je supporte l’odieux supplice que vous m’infligez tous les jours pour me punir de vous trop aimer. C’est d’autant plus féroce de votre part, je dirai même plus LÂCHE, que vous savez bien que je ne peux pas vous aimer moins quand même je le voudrais. Allez, allez, vous êtes un féroce homme que je ne peux pas m’empêcher de baiser au risque de me faire mordre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 192-193
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « réunis ».

Notes

[1Victor Hugo et Juliette Drouet ont visité Abbeville en août 1835 et en septembre 1837.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne