Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Février > 5

5 février [1843], dimanche matin, 11 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé. Bonjour mon cher adoré. Sois béni, sois heureux, je t’aime.
J’étais souffrante hier, je le suis encore ce matin, mais je ne suis plus méchante. Tu le verras quand tu viendras. Tâche que ce soit bientôt car tu sais que dans cette saison, et par les ennuis et par les giboulées qui passent dans le cœur d’une pauvre Juju et dans le ciel du bon Dieu, le temps et l’humeur ne sont pas longtemps au beau.
Sans doute on n’aura pasa eu de répétition aujourd’hui dimanche ? Si cela était, tu aurais un peu plus de temps à toi et j’en pourrais profiter par la même occasion. Il ne faut pas tout donner aux uns et rien à Juju. Il ne faut [pas] que je m’appesantisse longtemps sur ce partage inégal parce qu’à l’instant même je sais que mon pauvre cœur tourne à la tristesse et au découragement.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Pensez à moi, soyez-moi bien fidèle et aimez-moi si vous pouvez. N’oubliez pas non plus de faire ma commission auprès de Didine car plus vous attendrez et moins vous pourrez y penser [1].
J’attends Mme Pierceau tantôt mais je t’assure que c’est peine inutile de compter sur M. Démousseau. Si cela dépendait d’elle, la pauvre femme, il y a longtemps que nous serions renseignés. Mais elle n’y peut rien et rien ne me désoblige plus que d’insister pour qu’on me rende un service quelconque. En fait, nous saurons peut-être ce que nous voulons par cette infâme sorcière mais j’en doute. Et puis je t’aime et je voudrais être assise à l’ombre de la plus épaisse forêt avec toi-même de ce temps-ci [2].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 115-116
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

a) « on aura pas ».


5 février [1843], dimanche soir, 11 h. ¼

Je ne veux pas faire ma lettre aussi courte que celle d’hier, mon cher adoré, quoiqu’en vérité le mot : je t’aime tienne très peu de place, et que tout ce que j’ai à te dire après ce mot ne vaut guère la peine d’être écrit, pas même d’être chanté. Mais enfin si ce n’est pas pour t’amuser ce que j’en fais, c’est pour mon plaisir particulier. Jaboter avec toi et gribouiller du papier sous ce prétexte, c’est ce qui peut me faire trouver le temps moins long. Toutes mes femelles sont parties depuis une heure mais j’avais mes comptes à régler avec ma servarde et ma maison à ranger, c’est ce qui est cause que je ne t’ai pas écrit plus tôt.
Que dis-tu de cette cacophonie de caisse, de créanciers et de filous ? Il nous sera très difficile d’arriver à la vérité parce qu’il y a là-dedans des gens qu’il ne faut pas éveiller puisqu’ils paraissent dormir et que de toute façon nous n’avons rien à gagner ni d’une façon ni de l’autre : il va sans dire que je ferai ce que tu voudras comme tu voudras et quand tu voudras pour cette affaire comme pour tout ce qui dépend de moi. Mais mon avis serait de laisser tout tranquille et de finir l’affaire Ribot puisque tu es décidé à ce sacrifice [3].
Je t’aime mon cher adoré. Voilà ce que j’ai à te dire avant toute chose au monde. Je te désire et je t’attends. Ne tarde pas longtemps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 117-118
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La veille, Juliette réclame un petit souvenir (« brimborion ») du mariage de Léopoldine.

[2Allusion au vers de Phèdre, I, 1 : « Dieux ! Que ne suis-je assise à l’ombre des forêts ! »

[3Victor va rembourser les 4000 F. de dettes de Juliette à Mme Ribot.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne