6 octobre 1856

Guernesey, 6 octobre 1856, lundi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon ineffable grand adoré, bonjour. Tu n’as pas pris de bain ce matin si j’en juge par ce que tu n’es pas venu me voir. Cependant, il ne pleuvait pas et le vent était supportable. Pauvre bien-aimé, quand je pense que je t’ai fait manquer^a ton second bain hier, j’en ai presque des remords car je sais quel bien ils^b te font et que tu leur attribues^c, ce qui est la même chose au point de vue de l’imagination. Si j’avais pu prévoir que mon refus de sortir aurait pour conséquence ton abstention de bain, je me serais bien gardée de le faire et je serais sortie sur la tête et sur les pieds plutôt que de te priver de cette goutte^d de santé. Quant à moi, je me propose d’en prendre un tantôt, de bain. J’espère en tirer au moins une bonne nuit de sommeil, ce qui ne m’est pas arrivé depuis longtemps. D’ici là, je vais faire mon ménage à fond. Je viens d’envoyer Suzanne préparer le charbonnier de ma maison pour y mettre le charbon que Préveraud doit me faire apporter demain. Plus que jamais, il devient urgent que tu me donnes quelques bills pour faire face à toutes ces dépenses de l’hiver et de l’intérieur de la maison. N’est-ce pas aujourd’hui que tu dois voir le jardinier envoyé par M^me Allez ? J’y pense en voyant travailler dans ce moment-ci David dans le jardin voisin. Quelle activité et quel soin ! Je regrette bien vivement que tu ne puisses^e pas avoir ce brave garçon-là car c’était juste celui qu’il^f te fallait. Mon Victor, tout cela aboutit invariablement à ceci : que je t’aime.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 245
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette.

a) « manqué ».
b) « il ».
c) « attribue ».
d) « goute ».
e) « puisse ».
f) « qui ».