29 septembre 1856

Guernesey, 29 septembre 1856, lundi après-midi, 3 h.

J’avais oublié que j’avais à parler à ma blanchisseuse, mon cher petit homme, et que je ne pouvais pas sortir tant qu’elle ne serait pas venue. Je suis d’autant plus contrariée de cet oubli qu’il est probable que cela t’empêchera de revenir tout de suite, me croyant partie chez les Allez. On dirait que le diable s’en mêle pour m’empêcher de te voir quelques minutes de plus dans la journée. Aussi, je ne dérage pas depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. Suzanne est revenue de chez les Préveraud comblée de deux œufs qu’on lui a donnés^a pour moi avec cette réponse d’un empressement et d’une politesse très quelconques : « Dites à Madame que puisqu’elle insiste tant, nous irons dîner chez elle vendredi. ». On ne dirait pas mieux pour accepter un coup de pied au quelque part. Quant à moi, il faut toute mon obéissance à tes moindres désirs pour m’exposer à ces impertinences bourgeoises d’une niaiserie et d’une stupidité révoltantes. Quand on pense [à l’honneur que je leur  ?] fait dans ta personne.
4 h ½ : Kesler est venu m’avertir qu’il y avait une exposition de meubles demain, rue des Cornets. Il est convenu que j’irai la voir avec lui à deux heures. La blanchissarde est venue aussi, mais tout cela ne fait pas mon compte. S’il faut que je vous manque encore une fois pendant que je serai chez ma propriétaire, enfin, à la grâce de Dieu, je me risque, quitte à me mordre la queue en revenant de dépit et de regret.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16380, f. 239
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette

a) « donné ».