28 juillet 1856

Guernesey, 28 juillet 1856, lundi, 7 h. du matin

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, mon grand adoré, bonjour avec toutes les caresses et toutes les tendresses de mon cœur et de mon âme. Que tu es bon, que tu es grand, que tu es sublimement bienveillant et doux pour tout le monde et particulièrement pour les petits et les infimes comme moi. Je ne sais vraiment comment t’en remercier et te dire mon admiration et ma reconnaissance. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, voilà tout ce qui est en moi, je ne peux pas te donner autre chose que mon amour à l’infini. Je suis si énervée et si souffrante depuis quelque temps que toute application, même la plus insignifiante, me fatigue et m’exaspère au dernier point. Cela passera bientôt, je l’espère, mais en attendant il faut que tu supportes avec ta patience angélique ma recrudescence de stupidité et de maussaderie qui, du reste, n’endommage pas le cœur, heureusement. Suzanne est déjà partie depuis un grand quart d’heure à la poste, ainsi nous sommes sûrs que la lettre partira aujourd’hui pour Paris. Nous verrons si cette fois on nous enverra enfin ce duplicata et ces renseignements que nous demandons depuis un mois. Il n’y a rien de plus difficile que de trouver des gens qui répondent à distance aux questions qu’on leur fait, et la mère Lanvin en particulier est une de celles qui ont l’entendement le plus dur aux choses nécessaires, ce qui ne l’empêche pas d’être une très bonne femme qui nous est toute dévouée. Je voudrais pour beaucoup que toutes les caisses soient arrivées en bon état et sans surcharge de frais et que tu sois débarrassé de ce souci et moi aussi. En attendant, je t’aime sans désemparer et toujours avec plus d’entrain et de bonheur.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 203
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette