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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 décembre [1838], vendredi soir, 7 h.

Je n’ai pas encore vu Mme Krafft, mon Toto. Je n’espère même pas la voir avant demain. Depuis que je suis rentrée, mon amour, je me suis occupée de ma maison et de toi car j’ai fait votre petite tisanea. J’ai un mal de tête absurde qui m’empêche de trouver les mots les plus simples et d’exprimer les sentiments les plus vrais, les plus tendres et les plus profonds. Depuis hier, je souffre horriblement et sans l’extrême douceur et l’ineffable tendresse que tu m’as témoignéesb par intervalle je ne sais pas ce que je serais devenue. Mon Dieu que les chagrins d’amour sont douloureux, il n’y a de contrepoids pour de tels maux que le bonheur de l’amour ; il n’y a qu’eux qui soientc encore plus saisissants et plus forts. Aussi mon adoré, vous m’en devez beaucoup si je compte tous les chagrins, non mérités, que vous me causez depuis deux mois. Il me faut une fameuse somme de bonheur pour compenser tant de tristesse accumulée dans le fond de mon pauvre cœur. J’en ai déjà un (bonheur) presque assuré pour ce soir puisque tu m’as promis que tu viendrais souper. QUEL BONHEUR ! Je vais écrire à Jourdain pour qu’il m’envoie demain son ouvrière puisque nous avons le tapis et qu’il fait froid, il vaut autant le poser et être débarrasséd de cette corvée le plus tôte possible. Il a fallu la certitude que l’autre tapis ne pouvait pas aller pour me décider à le changer dans un moment où nos dépenses ont été si excessives et où tu es accablé de besogne et d’embarras pour toi-même. J’ai bien besoin, mon adoré, quand je pense à tout ce que tu fais pour moi, de croire que tu es heureux de m’aimer et que tu as quelque confiance dans ma fidélité et dans mon amour. J’ai bien besoin que tu sois heureux car je n’ai pour réjouir, éclairer et échauffer mon âme que ton bonheur et ton amour. Je t’aime mon Victor, je suis fidèle et je t’adore. Crois-le bien et n’ôte plus aux rares moments que nous avons à être ensemble la confiance et l’expansion d’un amour honnête qui a besoin d’arriver pur jusqu’à ton âme. Je t’aime mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 234-235
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « tisanne ».
b) « témoigné ».
c) « soit ».
d) « débarassé ».
e) « plutôt ».

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