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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 décembre [1838], dimanche après-midi, 2 h. ¼

Bonjour mon petit bien-aimé, bonjour mon cher petit homme. Vous voyez que j’avais raison hier quand je voulais vous retenir et qu’un bon tiens vaut mieux que deux tu auras. C’est pour être bien convaincue de cette vérité que je vous retiens souvent jusqu’à l’importunité et que vous me rudoyez d’importance à cause de cela.
Je viens de voir Lanvin tout à l’heure qui venait savoir pour Claire et le mont de piété ce qu’il fallait faire. J’ai reçu une lettre de Mme Krafft. Je ne l’ai pas décachetée pour ne pas m’exposer à des choses tristes. Je devine d’ailleurs à peu près ce qu’elle contient ; elle doit être furieuse du dérangement inutile que nous lui avons causé hier. Je t’attends mon cher petit homme avec impatience. Je voudrais savoir si mon bonheur se prolongera encore jusqu’à cette nuit ? J’en doute car j’ai au cœur une tristesse qui peut passer pour un pressentiment, et il est probable que nous avons enterré hier nos bons soupers nocturnes et comme je ne te vois pas une heure par jour dans tout un mois cela me remet au régime d’un bonheur fort modéré. Je me résigne, c’est ce que je peux faire de mieux et je t’aime plus que jamais ce qui est ce que je peux faire de plus mal.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 192-193
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain


2 décembre [1838], dimanche soir, 10 h. ½

Je suis bien contente, mon cher petit bien-aimé, que vous veniez souper avec moi. J’avais bien peur que cette nuit ait été la dernière de notre bonheur, en voilà encore une, Dieu merci. Aussi je suis très contente et j’ai oublié tout de suite que vous m’aviez rabrouée en entrant parce que je vous faisais remarquer que vous n’étiez pas revenu cette nuit. C’est bien vrai que je t’aime trop, mon chéri. Je devrais tâcher de me corriger car je te suis plus souvent importune qu’agréable avec mon excessif amour pour commencer. Je ne veux pas être amère dans le reste de ma lettre, c’est bien assez de souffrir en dedans sans y ajouter le chagrin de t’ennuyera et de te fatiguer. J’espère, mon chéri, que vous n’êtes pas allé ce soir à Lady Melvil [1] ? Vous n’avez pas affaire au théâtre, que je sache, et cela me fera bien de la peine si vous y êtes allé sans motif. En attendant j’ai confiance en vous et je vous attends de la meilleure foi du monde ; le couvertb est mis tout est prêt et moi aussi je suis prête à ce que vous voudrez à indiscrétion et à mort.
Soir pa. Soir man, papa est bien i. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 194-195
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « ennuier ».
b) « courvert ».

Notes

[1Lady Melvil ou le joaillier de Saint-James, comédie en trois actes, mêlée de chant, par MM. De Saint-Georges et de Leuven, musique de M. Albert Grisart Grisar, représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la Renaissance (salle Ventadour), le 5 novembre 1838.

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