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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 novembre [1838], vendredi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon petit homme chéri, bonjour. Je t’aime. Tu n’es pas venu encore cette nuit, je te dis cela pour constater un fait, car à vrai dire, je ne t’attendais pas. Je sais bien que le jour où ton livre paraît, tu es assailli de toute part, et que tu ne veux pas quitter ta maison ce jour-là [1]. Je compte peu que tu viendras me chercher pour acheter ma dentelle, et je me résigne à être ridicule demain. Tu devrais bien au moins empêcher cette absurde lecture par tous les moyens possibles. Je ne peux pas te dire à quel point cette lecture faite dans les circonstances présentes, me chagrine et me décourage. Au reste c’est bien moi qui leur porte malheur à ces pauvres auteurs, il est impossible d’avoir plus de guignon que je n’en ai dans tout ce que j’entreprends, et ce n’est pas trop de ton aide et de ta protection pour balancer ma mauvaise influence.
Je t’écris une longue lettre comme si j’étais sûre d’aller à Ruy Blas ce soir, le désir me tient bien de certitude, cependant si je ne peux pas avoir ce bonheur là, je me résignerai à en avoir un autre d’une espèce différente, celui de broyer une trentaine de pavots au coin de mon feu.
Il fait froid aujourd’hui, et nous n’avons plus de bois, c’est tout au plus s’il y en aura assez pour ce soir. Je te dis cela en passant et pour t’obéir car j’aimerais mieux souffler dans mes doigts que de t’inciter à fatiguer tes pauvres beaux yeux adorés.
Je t’aime, mon Victor bien aimé, je t’aime bien complètement et bien sincèrement. Je t’adore. Aime-moi un peu aussi, toi, pour que je ne sois pas triste et découragée comme je le suis quand je ne te vois pas, et que je doute de ton amour. Et puis ne vous faites pas trop beau demain, entendez-vous ? Vous n’avez pas besoin de cela, vous, pour être le plus beau, et le plus admirable, le plus envié et le plus adiré des hommes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 172-173
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Ruy Blas paraîtra le 27 novembre chez Delloye.

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