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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 janvier [1839], mardi matin, 8 h. ¾

Bonjour mon cher adoré, comment vas-tu, mon bon petit bien-aimé ? Je pense à toi sans cesse, mon âme cherche la tienne comme ma poitrine cherche l’air. J’ai besoin de ta pensée pour vivre comme on a besoin de respirer. Depuis quelques jours surtouta, tu es si ineffablement bon et doux que je me sens l’âme pénétrée, comme quand le soleil, si haut et si bon, aussi lui, caresse et réchauffe cette pauvre terre d’automne si triste et si dépouillée. Enfin, j’ai dans l’esprit et dans le cœur un sentiment sublime d’amour et de reconnaissance mais que ma stupidité verrouille et tient prisonnier, par jalousie peut-être, afin qu’il ne soit pas dit que j’ai en moi ce qui vaut mieux que l’esprit et ce qui tient lieu de beauté, l’amour. Oui, je t’aime, mon Toto, comme les anges aiment Dieu. Seulement, je t’aime mieux, car tu es homme et le plus beau des hommes et le meilleur et le plus grand, et que l’amour est au-dessus de l’adoration. Pauvre âme de mon âme, tu n’es pas venu cette nuit : est-ce que tu as encore veillé, mon Dieu ? Mais mon pauvre adoré, tu te tueras, il ne faut cependant pas pousserb le dévouement jusqu’au suicide. Tu te portes bien, mais ces travaux si assidus et si fatigantsc de la nuit sont autant d’épreuves à laquelle ta santé ne peut pas toujours résister. Mon adoré, mon adoré, pense à moi et arrête-toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 55-56
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « sur tout ».
b) « poussé ».
c) « fatiguants ».


15 janvier [1839], mardi soir, 9 h. ¾

Tu es mon vaillant et bien-aimé petit homme. Je regrette d’être hors d’état de te le prouver par A plus B, mais, si je suis malade comme une vieille bête, il me reste mon art : c’est toujours çaa et je vous donne en talent ce que je ne peux pas vous donner en plaisir et en esprit. C’est une réjouissance comme une autre et dont mon amour pourrait se passer attendu qu’il a le [poids ?]. Mais je suis généreuse et je vois fais la bonne mesure. Prenez donc le nouveau chef-d’œuvre que je vous abandonne en toute propriété en vous permettant même de la vendre au jour de l’infortune quand vous aurez mangé toute votre fortune. Je vous promets de la refaire avec les nombreux dessins, je pourrais dire tableaux, dont je vous ai si libéralement enrichi.
Je t’aime, mon Toto, je souffre atrocement, mais je t’aime encore plus. Tu es mon bien-aimé adoré. J’espère que tu ne me trompes pas, n’est-ce pas mon petit homme, que tu es bien fidèle ? N’est-ce pas que tu te déchires de tes propres griffes ? N’est-ce pas que j’ai raison de t’adorer ? Tâche de revenir bientôt ce soir. Je vais me coucher tout de suite, moi, et m’envelopper de cataplasmesb. J’ai écrit ce matin à la mère Lanvin. Je te dirai ce que je lui ai dit dans la lettre. En attendant, je te baise en pensée et en désir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 57-58
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) Dessin :

© Bibliothèque Nationale de France

b) « cataplasme ».

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