Guernesey, 13 août 1857, jeudi après-midi, 2 h.
Maintenant que tous les Lucas [1] sont déblayés et que votre Lux en est quitte pour dix francs [2], au grand désespoir de QUESNARD [3], est-ce que vous ne pourriez pas vous prodiguer un peu plus à mon amour idolâtre ? Justement, vous m’avez entendu, quel bonheur ! Comment te remercier, mon ineffable bien-aimé, pour toute la peine que tu te donnes pour moi ? en t’aimant de toutes mes forces et de toute mon âme ? Mais c’est ce que je fais depuis la première minute où tu m’es apparu, je regrette de n’avoir pas à ma disposition l’âme de l’univers pour la remplir de mon amour et l’éternité ne me paraît pas encore assez longue pour toutes les tendresses que j’ai à te donner. Aussi je multiplie toutes les occasions et je me sers de tous les prétextes pour vivre le plus près possible de toi. Je me réjouis au fur et à mesure que ta pensée façonne et anime les meubles muets qui sont autour de moi. Il me semble que quelque chose de ton cœur et de ton génie s’assimile pour toujours à ce nouveau mobilier dans lequel j’espère achever ma vie en adoration devant toi. Mon cœur est si plein de bonheur et de reconnaissance qu’ils ne prennent pas le temps de s’arranger pour en sortir. Je les laisse courir après toi sans songer à les retenir pour les [attifer ?] un peu et je te baise moi-même à brides abattues.
BnF, Mss, NAF 16378, f. 151
Transcription de Chantal Brière